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thérapeutique très ancienne, il vient soigner ses maladies séculaires. Parmi les gros cubes blanchâtres des nécropoles, se tapit la maison funéraire où il fait la toilette de ses morts. La dalle où on étend le cadavre, la fontaine où on puise l’eau pour le laver, s’aperçoivent du dehors par la fenêtre sans vitres. Et quand, le soir, au coucher du soleil, on erre sur les grèves du lac, on s’y croise avec d’étranges promeneurs : des adolescens aux joues trop roses, encadrées de longues papillotes blondes, coiffés de bonnets pointus et drapés dans des robes de peluche aux couleurs voyantes et chatoyantes. Ces cheveux bouclés, ces vêtemens archaïques, ces figures de chérubins en des chemins comme ceux-ci, où passèrent les Apôtres et le Maître lui-même, vous rejettent tout à coup vers des visions familières à la pensée chrétienne. Et puis aussitôt l’insolence des regards, le rictus sardonique des lèvres minces effacent l’illusion naissante : ce sont des Juifs polonais, des étudians en théologie. Car Tibériade est, aujourd’hui encore, une sorte d’université talmudique.

A Jérusalem, cette figuration hébraïque se remarque moins à cause de l’affluence continuelle des pèlerins occidentaux. Et pourtant, la Ville Sainte est redevenue à peu près juive. D’après les statistiques officielles, elle compterait environ 40 000 Israélites sur une population de 60 000 habitans. Mais ce chiffre est sûrement au-dessous de la vérité. On a dû négliger dans le recensement la population suburbaine, notamment celle des nouveaux quartiers qui s’étendent au nord, le long de la route de Jaffa. De ce côté, comme dans la partie sud de la vieille ville, l’élément juif est prépondérant. Les enseignes des boutiques vous en avertissent. Partout foisonnent les inscriptions en caractères hébreux ; les affiches collées aux murs sont également en hébreu. Il y a même des journaux rédigés en cette langue. On devine, à tous ces indices, une effervescence nationaliste plus ou moins artificielle, créée Sans doute et entretenue par les zélateurs européens du sionisme. Je ne sais si le terrain est bien favorable à l’exécution de leur programme. Le Juif, qui, en Palestine, plus que partout ailleurs, a le travail manuel en abomination, et surtout le travail de la terre, — le Juif ne fera jamais qu’un détestable colon. Ce qu’il y a de sûr, c’est que, dans la colonie israélite de Jérusalem, la plèbe est en majorité, — une plèbe de mendians qui croupit dans un dénuement et une saleté effroyables. Ces miséreux ne vivent que d’aumônes envoyées