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principes de notre civilisation qu’ils ont mené le bon combat pour leur liberté. Ces néo-civilisés n’ont rien qu’ils ne tiennent de nous. Seront-ils capables, plus que les Musulmans, d’ajouter à leurs emprunts, de faire, à leur tour, œuvre inventive et humainement bienfaisante ? A vrai dire, ils n’ont pas encore eu le temps d’y songer, et voici que, maintenant, une assez belle besogne d’organisation les attend, pour qu’avant de longues années, ils n’aient pas le loisir d’y songer davantage.


III

Cette esquisse générale convient aussi bien aux gens de la basse classe levantine qu’à ceux des classes supérieures. Je voudrais maintenant étudier de plus près les sujets de l’élite, et, en tâchant de les caractériser dans ce qu’ils ont de plus intéressant pour nous, faire passer tour à tour, sous les yeux du lecteur, le Jeune-Juif, le Jeune-Syrien et le Jeune-Hellène[1].

Notons-le d’abord : la condition des Israélites, en Orient, est encore fort misérable, souvent même inférieure à celle, si précaire, de la plèbe musulmane. Au point de vue matériel, comme au point de vue moral, ils restent très arriérés. Il sied donc de juger en toute indulgence ceux d’entre eux qui essaient de sortir de cet état semi-barbare, et, quelle que soit enfin la de plaisance de leurs défauts, ceux qui, franchement, se tournent vers la civilisation européenne et se piquent de marcher avec nous.

On se tromperait si l’on se formait une idée des Juifs orientaux d’après ceux qu’on rencontre en Turquie d’Europe, et spécialement d’après ceux de Salonique, lesquels représentent une véritable aristocratie parmi leurs autres coreligionnaires. Ceux-ci sont instruits, élevés à la française ou à l’allemande, très soucieux de se cultiver et d’améliorer leur sort. Les résultats de leur effort se manifestent déjà d’une façon frappante. Les Jeunes-Israélites qui sortent des écoles de Salonique ne diffèrent en rien des Jeunes-Hellènes commerçans, employés de banque ou de négoce. Soigneux de leur tenue, actifs, empressés, polyglottes

  1. Il va de soi que le Jeune-Arménien revendique une place honorable parmi ses émules orientaux ; mais je n’ai pas eu le loisir d’observer un assez grand nombre d’Arméniens pour risquer un portrait d’ensemble. Quant aux Coptes, — dans la mesure où ils s’associent au mouvement intellectuel moderne, — je ne vois rien à en dire qui ne s’applique également aux Jeunes-Égyptiens.