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sur une dépêche d’un vieillard, que l’on voulait offrir à la France soulevée par l’élan national ? La Prusse se tait, la Prusse refuse de répondre et garde un dédaigneux silence. Et les avocats qui nous gouvernent, satisfaits de leur plaidoirie de l’autre jour, abandonnent leur client, la France, sans s’inquiéter davantage de son honneur, de sa dignité, de ses intérêts ! Oh ! si les événemens devaient prendre cette tournure définitive, ce serait à rougir d’être Français et à demander d’être nationalisés Prussiens ! Mais c’est impossible, et l’Empereur ne peut pas nous laisser plus longtemps le front courbé dans la poussière. Hier soir, les boulevards étaient remplis d’une foule anxieuse, des bandes d’étudians parcouraient les rues en disant le Chant du Départ ; voilà cinq jours que la France est décidée à se battre ; le peuple murmure et demande si désormais nous allons toujours reculer. La France se révolte contre des ministres qui ne savent ni la défendre, ni la protéger, ni la couvrir, et elle fait un suprême appel à l’Empereur. Qu’il balaie tous ces parleurs, tous ces fabricans de paroles creuses et vaines, et qu’on en vienne donc aux actes ! — PAUL DE CASSAGNAC.

« Dernière nouvelle. — Trois heures. — La reculade est consommée. Le ministère, par l’organe de M. le duc de Gramont, déclare la France satisfaite par la dépêche du prince Antoine de Hohenzollern. Ce ministère aura désormais un nom : LE MINISTÈRE DE LA HONTE ! — P. DE C. »

Maintenant qu’il est convenu que tout le monde a été opposé à la guerre, je stupéfierais certaines gens, si je leur rappelais leur langage dans cet après-midi. « Vous êtes incompréhensible, me disait-on, vous êtes le ministre du plébiscite ; vous pouvez être celui de la victoire et vous ne le voulez pas ! Tout ce que vous avez si péniblement conquis au prix de tant de sacrifices, de patience, de ruptures, sera perdu ou compromis. Ayant conduit le pays à la victoire, la Droite en profitera pour satisfaire ses passions, venger ses rancunes. Elle faussera les institutions libérales, reprendra les candidatures officielles, chassera des comices les candidats indépendans, se créera une majorité animée de ses sentimens, et elle interrompra l’œuvre de conciliation, de rapprochement, de rajeunissement que vous n’avez pu encore qu’ébaucher. » — « Je ne conteste pas, répondais-je, la force de ces considérations : il se peut que je tombe dans l’impuissance et l’isolement au milieu du dédain public, comme