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à répondre, à une proposition qui le froisse, par une offense, ce qui n’a jamais été. Ce qu’il y a de plus désagréable, et même à mon sentiment de plus pénible pour les Allemands dans la dépêche d’Ems, c’est d’abord la représentation fausse qu’elle évoque. Mais la réponse que donnait la dépêche ne visait pas seulement les provocations d’alors des Français : elle constituait la réponse à tous les froissemens que Bismarck avait subis de la part de la France pendant son ministère, la réponse définitive aux actes des Français depuis deux cents ans. Il est tout à fait injuste de méconnaître que la propagation officielle et officieuse d’une semblable nouvelle, qui, précisément parce qu’elle ne donnait pas la physionomie exacte des faits, fut envisagée et célébrée comme un défi à la France, constituait par-là une offense réelle à ce pays. Bismarck aurait certainement envisagé une telle façon de procéder à l’égard de l’Allemagne comme une offense. — Les récits allemands de ces événemens omettent complètement de reconnaître ce tort, ils sont en cela injustes. » — Karl Bleibtren juge ces faits avec une équité louable ; il déclare sans ambages que le télégramme contient indubitablement « une offense publique préméditée, un outrage public ; » il va même jusqu’à dire qu’il constitue indubitablement une offense impardonnable. « Cette dépêche, dit Erich Marky, changeait complètement la couleur des événemens d’Ems : aucun échange de nouvelles et de déclarations, comme Radziwill les avait transmises, n’y était mentionné, c’était un refus général et d’une concision tranchante. Le Roi faisait, d’après cette dépêche, ce que Bismarck et ses amis auraient fait à sa place ; il passait, sans transition, de la défense à l’attaque la moins scrupuleuse et la plus irrévocable. Cette dépêche était un soufflet appliqué sur le visage de la France, et dont les conséquences devaient l’obliger à faire la guerre. » C’est à ce jugement que j’ai emprunté le mot de soufflet placé à la tête de ces pages.


IX

Bismarck met aussitôt son plan à exécution. Il envoie le télégramme à son journal officieux, la Gazette de l’Allemagne du Nord, pour qu’il le publie immédiatement dans un supplément spécial et qu’il le fasse afficher sur les murs. Dès neuf heures du soir des crieurs en grand nombre se répandirent dans les