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préoccupation publique une sorte d’apaisement. — « Il ne s’agit pas d’apaisement ! s’écrie Bonjean, il s’agit d’une question de dignité nationale. » Brenier était allé plus loin : « Tout en prouvant que l’on ne peut porter atteinte au droit de l’Empereur de déclarer la guerre, je me charge de vous prouver que vous devriez la faire. » Gramont refusa la discussion et se contenta de répondre : « Nous ferons la guerre le jour où vous aurez prouvé qu’elle est nécessaire. » Les anciens, qui devaient être les modérateurs, se montraient les plus ardens. « Mauvaise séance, écrit Vaillant sur son carnet, plus mauvaise encore au Corps législatif. Il y a une irritation extrême contre Emile Ollivier. »


IV

Bismarck avait été informé immédiatement par Abeken de la démarche de Benedetti. Aussitôt il télégraphia que « si le Roi recevait une fois encore Benedetti, il donnerait sa démission. » Aucune réponse ne lui ayant été adressée, il télégraphie derechef que « si Sa Majesté reçoit l’ambassadeur une autre fois, il considérera ce fait comme équivalant à l’acceptation de sa démission. » Cette sommation était inutile car, depuis l’insistance prolongée de Benedetti pour soutenir une demande qui, à la réflexion, le révoltait de plus en plus, le Roi était tout à fait décidé à ne plus entrer en conversation avec l’ambassadeur, auquel il avait dit son dernier mot. Il persista seulement, à ne pas donner à cette interruption des rapports personnels un caractère offensant, soit pour la France, soit pour l’ambassadeur. Cette volonté ne fut pas modifiée par un incident qui eût pu entraîner au-delà de ce qui était juste un souverain moins maître de lui-même. A 8 h. 57 était parvenu entre les mains d’Abeken le rapport de Werther sur son entrevue avec Gramont et moi. Abeken, avant d’en parler au Roi, voulut consulter les deux ministres de l’Intérieur et des Finances, Eulenbourg et Camphausen, dont l’arrivée était annoncée pour 11 h. 15. Ils ne furent point d’avis de communiquer le document, jugeant qu’ainsi penserait Bismarck à qui le rapport avait été télégraphié. Ils se rendirent auprès du Roi ; ils lui expliquèrent pourquoi le chancelier n’avait pas continué son voyage et appuyèrent le conseil, déjà télégraphié deux fois, de rompre toute relation avec Benedetti, sans quoi, au grand dommage de son prestige en Allemagne, Sa Majesté serait