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Gramont monte à la tribune et lit notre déclaration. Jérôme David demande de qui émanait la renonciation : il voulait recommencer la querelle sur le « père Antoine. » Gramont répond : « J’ai été informé, par l’ambassadeur d’Espagne, que le prince Léopold de Hohenzollern avait renoncé à sa candidature à la couronne d’Espagne. — Hier, reprend Jérôme David, le bruit a couru que la renonciation venait, non du prince de Hohenzollern, mais de son père. — Je n’ai pas à m’occuper des bruits qui circulent dans les couloirs, riposte sèchement Gramont. — Cette communication, ajoute Jérôme David, a été faite par le garde des Sceaux publiquement dans les couloirs, non seulement à des députés, mais à des journalistes et à tous ceux qui l’entouraient. » Gramont ne répond plus ; Duvernois intervient. Il n’était plus au dépourvu comme la veille. Dans la matinée, il était allé consulter Rouher sur les garanties qu’on devait exiger. Rouher abonda dans son sens et l’engagea à réclamer le désarmement. Il n’y avait pas de moyen plus sûr de mettre le feu à la situation : après l’échec de nos tentatives de janvier, dont Rouher devait être informé par son ami La Valette, soulever la question de désarmement, c’était aller à la guerre à travers un échange aigu de mauvais propos, aussi rapidement que si nous avions exigé l’exécution du traité de Prague, ou un redressement de frontières vers le Rhin. Ainsi endoctriné, Duvernois prie d’un ton rogue la Chambre d’accorder un jour très prochain au développement de son interpellation. Sans attendre notre réponse, Jérôme David, exaspéré de n’avoir pu entraîner Gramont à une discussion sur le « père Antoine, » se lève de nouveau, et, d’une voix sifflante, lit un projet d’interpellation, véritable acte d’accusation contre le Cabinet : « Considérant que les déclarations fermes, nettes, patriotiques du ministère à la séance du 6 juillet ont été accueillies avec faveur par la Chambre et par le pays ; — considérant que ces déclarations du ministère sont en opposition avec la lenteur dérisoire des négociations avec la Prusse… (Vives rumeurs sur un grand nombre de bancs.) Je retire le mot dérisoire, si vous voulez. (Bruit.) — Considérant que ces déclarations du ministère sont en opposition avec la lenteur des négociations avec la Prusse, je demande à interpeller le ministère sur les causes de sa conduite à l’extérieur, qui, non seulement jette la perturbation dans les branches diverses de la fortune publique, mais aussi risque de