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gouvernement de l’Empereur encourrait, s’il élargissait le terrain du conflit et ne se déclarait pas satisfait de la renonciation. En s’autorisant de l’appui prompt et énergique qu’il nous avait donné, il nous pressait d’une façon amicale, mais en même temps très urgente, d’accepter la solution advenue comme satisfaisante.

La discussion recommença, élevée, approfondie, ardente. Chacun des membres du Conseil opina nominativement. Je m’opposai au rappel des réserves par les raisons que j’aurais données contre la demande de garanties, si l’on m’avait consulté avant de l’envoyer, et je soutins que, le Roi refusât-il toute garantie, comme c’était à peu près certain, nous devions ne pas insister, déclarer l’affaire finie, ne pas rappeler nos réserves et ne pas nous jeter ainsi dans la guerre au moment où il dépendait de nous d’assurer la paix. Segris et Chevandier me soutinrent, l’un avec sa belle éloquence, l’autre avec son bon sens persuasif. Louvet et Plichon ne furent pas moins pressans. Je repris plusieurs fois la parole, revenant sur les mêmes argumens avec véhémence, presque avec emportement, jusqu’à ce que l’Empereur, qui suivait la discussion sans s’y mêler, ébranlé enfin, se ralliât à ma thèse et entraînât l’adhésion de Gramont. On procéda au vote et mes conclusions furent adoptées par huit voix contre quatre (celles de l’amiral et du maréchal, de Mège et de Maurice Richard), et il fut entendu que nous attendrions sans les troubler le résultat des démarches de Benedetti, mais que, si elles ne réussissaient pas à obtenir les garanties et n’apportaient que l’approbation, nous nous en contenterions. Ainsi, sans retirer la demande de garanties, ce qui n’était pas possible, nous en annulions d’avance les effets. L’intention perverse de ceux qui avaient inspiré cette demande était déjouée, et je m’applaudis de n’avoir pas cédé à ma susceptibilité et d’avoir pu ainsi contribuer à ce succès pacifique. Toutefois, comme nous étions dans l’impossibilité d’exposer et de justifier nos résolutions et d’accepter le débat qu’elles susciteraient avant d’avoir reçu les réponses de Madrid et d’Ems, nous rédigeâmes la déclaration suivante, à lire à la tribune : « L’ambassadeur d’Espagne nous a annoncé officiellement hier la renonciation du prince de Hohenzollern à sa candidature au trône d’Espagne. Les négociations que nous poursuivons avec la Prusse, et qui n’ont jamais eu d’autre objet, ne sont pas encore terminées. Il nous est donc