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instructions de Gramont du 12, à sept heures, étaient, j’en conviens, plus impérieuses que les autres, mais elles étaient aussi plus graves, et, loin de dispenser du devoir d’observations, elles l’imposaient d’autant plus que les effets d’une démarche mal inspirée devaient, à son avis, être plus irréparables. « J’étais en dissentiment, a-t-il écrit depuis, avec le duc de Gramont. » Mais ce n’est pas en 1895 qu’il fallait, dans des Essais diplomatiques, manifester ce dissentiment, c’était le matin du 13 juillet, par une dépêche d’avertissement et d’objection. En ne le faisant pas, il s’est ôté le droit de censurer Gramont et de se considérer comme à l’abri de tout reproche. Non seulement il accomplit sa mission sans envoyer à Paris aucune critique, mais il y mit autant d’insistance que s’il exprimait une conviction personnelle.

Le matin du 13, à la première heure, il se rend auprès de l’aide de camp de service, Radziwill, et lui demande de solliciter une audience. Le Roi était déjà sorti. Néanmoins, on put l’informer du désir de l’ambassadeur et il répond qu’il le recevra après sa rentrée. En attendant, Benedetti se promenant dans le parc près des Sources, se trouve brusquement en face du Roi (9 h. 10). Guillaume marchait avec son frère le prince Albrecht, suivi d’un adjudant, lorsque, sur le bord de la Sahr, près de la maison des bains, il aperçoit Benedetti. L’ambassadeur avait trop de politesse pour aborder le Roi ; ce fut le Roi qui s’avança vers lui. Les promeneurs, ayant aperçu ce mouvement, regardaient avec curiosité, comme pour essayer de pénétrer le sens de cette rencontre. Alors le prince Albrecht et l’adjudant s’arrêtèrent à quelques pas en arrière, pour contenir la foule afin qu’elle n’entendît pas la conversation. Le visage du Roi était éclairé par le contentement d’un homme qui va sortir d’une affaire pesante à son cœur. « Le courrier de Sigmaringen, dit-il, n’est pas encore arrivé, mais voyez ici une bonne nouvelle. » Et en même temps, il lui tend une feuille supplémentaire de la Gazette de Cologne contenant le télégramme de Sigmaringen. « Par là, ajouta-t-il gaiement, tous nos soucis et toutes nos peines ont pris fin. » Il s’attendait à des remerciemens empressés et satisfaits. Au lieu de cela, Benedetti lui dit d’un ton sérieux : « Un télégramme du duc de Gramont m’annonce la renonciation du prince à la couronne d’Espagne. L’empereur Napoléon a reçu avec satisfaction cette nouvelle et il espère que ce fait mettra fin à l’incident ; mais il désire obtenir de Votre Majesté l’assurance que la