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les hodjas : l’empereur François-Joseph s’est rendu secrètement à Constantinople, il a obtenu une audience du Sultan et lui a exposé que le boycottage ruinerait les fabriques qu’il a créées à grands frais ; il a ensuite supplié le Padischah, par égard pour ses cheveux blancs, de lui laisser la Bosnie et l’Herzégovine. Abd-ul-Hamid, qu’un songe a préparé à cette entrevue, a compassion du vieillard, il lui tire amicalement la barbe et fait droit à ses prières. Le témoin qui rapporte cette amusante histoire se demande non sans raison quelle idée peuvent avoir les bonnes gens de Scutari de la « Constitution ? » A Andrinople, le boycottage des marchandises autrichiennes et bulgares est général ; les négocians demandent qu’on leur envoie des marques similaires d’autres pays, de France de préférence ; le directeur du lycée demande au consul l’adresse d’une maison française qui habillerait les élèves. Un marchand turc du vieux bazar, chef d’une confrérie religieuse, dirige le mouvement ; avec une quarantaine d’hommes du peuple il surveille la gare et s’oppose au déchargement des marchandises prohibées. Le 8 décembre, un chariot chargé de sucre est assailli, les sacs sont ouverts, le sucre jeté sur la voie publique. Le vali déclare au Consul général d’Autriche qu’il ne peut rien faire contre un mouvement auquel les pouvoirs publics n’ont pas participé.

Smyrne a accueilli avec allégresse la révolution du 23 juillet ; la ville est sous la direction des membres du Comité Union et Progrès ; dès qu’elle a reçu le mot d’ordre, huit mille négocians s’entendent pour organiser un boycottage rigoureux qui s’établit sans troubles ni violences. Les négocians demandent vainement que les grandes maisons de commerce françaises leur envoient des voyageurs, ce sont des agens italiens qui viennent, expédiés par le musée commercial de Venise. Sur la côte de Syrie, où nulle part les bateaux n’arrivent à quai, il suffit, pour que le boycottage soit assuré, que les mahonniers refusent leur concours aux navires autrichiens. A Jaffa, à la nouvelle des incidens de Constantinople, les membres du Comité Union et Progrès tiennent une réunion dans la nuit du 12 au 13 octobre : l’Euterpe, du Lloyd, devait arriver le matin : quatre membres du Comité parcourent les cafés qui, par ce temps de Ramadan, sont remplis de consommateurs, et expliquent aux marins et aux bateliers qu’ils doivent faire œuvre de patriotes en refusant leurs services aux bateaux autrichiens ; ils obtiennent une adhésion