Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’honneur et le patriotisme, déchirera le fez autrichien qu’il porte sur la tête ; il achètera les produits de la fabrique ottomane de fez et les marchandises de Hereké. Ne couvrons pas et ne souillons pas le corps de nos enfans, espoir de la patrie, avec les guenilles autrichiennes, aussi froides que le suaire. Nous espérons ne jamais voir dorénavant d’Ottoman à bord des vapeurs du Lloyd ou de ceux de la Compagnie Bulgare.

Vive la Turquie libre ! Vivent les peuples anglais et français ! Périssent l’Autriche et la Bulgarie et toutes les nations qui les aideront !


Ces conseils impérieux sont suivis, mais avec les amendemens indispensables sur un marché qui reçoit presque toutes ses marchandises d’Autriche et de Hongrie. Les négocians décident d’abord de respecter les contrats signés, au moins jusqu’au mois de mars 1909. Mais, le 26 novembre, les Comités des six clubs de la ville (club albanais, club bulgare, club serbe, club grec, club israélite, club commercial turc) se réunissent et décident de former une Commission spéciale de douze membres pour maintenir les prohibitions contre les marchandises autrichiennes et bulgares ; les marchandises commandées avant le 9 décembre et payées devront être livrées au Comité qui, pour empêcher la hausse, les revendra aux prix anciens en prélevant un léger bénéfice qui sera attribué aux destinataires. A la fin de janvier 1909, le boycottage devient plus rigoureux encore à Uskub, soit que les négociations ouvertes entre Vienne et Constantinople aient irrité certains élémens de la population, soit qu’on ait voulu dissimuler la part prépondérante qu’avaient les agens du gouvernement dans la direction du boycottage.

Dans les villes de l’intérieur, comme Monastir ou Okrida, le mot d’ordre est apporté de Salonique. L’élément albanais surtout se montre acharné contra l’Autriche. A Okrida, un boutiquier musulman apporte sur la place publique ses allumettes autrichiennes et les brûle au milieu de la foule enthousiaste. Scutari d’Albanie, en raison de sa situation géographique, ne reçoit guère que des marchandises autrichiennes ; un comité de boycottage s’y constitue cependant et cherche à établir des relations avec l’Italie et la France ; un agent est envoyé à Marseille ; les commandes faites en Autriche sont annulées. Mais l’absence des articles autrichiens sur le marché est si préjudiciable à la population qu’à la première nouvelle des pourparlers entre Vienne et Constantinople, le boycottage s’apaise. Le populaire explique à sa façon la reprise des relations par un conte que colportent