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Le Dieu de Jeanne d’Arc, lui, cloué sur sa croix,
Vit pleurer à ses pieds la Femme maternelle,
Et la pitié d’en haut, qu’il fit descendre en elle,
Remonta vers son cœur, au moment des effrois.

D’abord, les yeux tournés vers son Père céleste,
Il cria : « M’avez-vous abandonné, Seigneur ? »
Mais baissant les regards et voyant son bonheur :
— « Non, non, vous êtes là, tant qu’un amour nous reste ! »

Jésus-Dieu fut un homme, et Jeanne est une enfant…
Cependant il faudra que l’enfant surhumaine
Apparaisse, au milieu des flammes de la haine,
Rayonnante d’amour comme un Christ triomphant !

Et ce miracle fut. — Dans l’horrible assemblée,
Nul ne l’aime, et son cœur faiblit d’être tout seul ;
Son corps pur, cendre au vent, n’aura point de linceul…
Mais la vierge au grand cœur n’est pas longtemps troublée.

Sur l’échafaud, où la suivait son confesseur :
— « Vous lèverez la croix bien haut, — que je la voie ! »
Puis, quand, furtif, le feu rampa, cherchant sa proie :
— « Mon père, descendez, » dit-elle avec douceur.

C’est du péril d’autrui qu’elle était alarmée,
Dans l’étrange moment de mourir par le feu,
Puis elle dit : Jésus ! et, retournant à Dieu,
L’archange disparut dans l’immense fumée.


JEAN AICARD.