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D’Albret, près du Dauphin, porte droite l’Épée.
Quand l’archevêque pose, au front de Charles, roi,
La couronne longtemps par un autre usurpée,
Jeanne d’Arc, que les voix d’en haut n’ont pas trompée,
Rayonne… Et les clochers répondent au beffroi.

Les trompettes alors, pour sonner l’allégresse,
Erigent vers le ciel leur long col pavoisé…
Sous le porche envahi tout un peuple se presse,
Et Jeanne, aux pieds du roi qui, joyeux, se redresse,
Baise le bord du long manteau fleurdelisé.



Charles VII est sacré ; c’est par elle qu’il règne,
Mais, vaincue à Paris, elle est prise à Compiègne.



Ainsi donc, la Guerrière au cœur miraculeux
A dressé l’étendard du Christ dans les ciels bleus ;
Elle le tint si haut, par-dessus la mêlée,
Qu’il toucha l’azur seul, de sa flamme envolée !
Elle l’a gardé pur, candide, éblouissant,
Jamais éclaboussé d’une goutte de sang,
Tant sa main l’élevait plus haut que la bataille,
Intangible, à travers coups d’estoc et de taille,
Lances qu’on brise et noirs canons d’où sort l’éclair !

Sur les combats mouvans, plus grondans que la mer,
Fracas, plaintes, clameurs, corps à corps, chocs de troupes,
Flots houleux de chevaux lancés, poitrails sur croupes,
Monstrueux océan où hurlent des noyés
Que broie, au fond, une hydre aux millions de pieds,
Il planait, — l’Étendard, — invincible naguère,
Symbole de la paix sur l’horreur de la guerre,
Si surhumain, si haut, si providentiel,
Qu’il semblait accourir des profondeurs du ciel,
Et que l’Anglais, hanté d’épouvantes étranges,
Croyait le voir suivi par des légions d’anges !