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en ramenant le peuple vers les campagnes par la constitution d’une classe de petits propriétaires ruraux, comme dans la France actuelle ou dans l’Angleterre d’autrefois. C’est alors qu’il avait lancé la formule restée fameuse : « Trois acres et une vache. » Mais le peuple n’avait pas répondu à son appel ; l’agriculture, depuis le triomphe de la politique libre-échangiste, n’avait plus rien qui pût tenter les travailleurs. M. Chamberlain laissant la direction du mouvement à son fidèle lieutenant, M. Jesse Collings, jeta son activité dans une autre sphère. Il s’avisa que, pour faire vivre et prospérer l’industrie britannique, il fallait lui ouvrir de nouveaux débouchés et, surtout, lui assurer, dans les Colonies anglaises, des marchés privilégiés. Doué de ce qu’on pourrait appeler l’imagination politique, il voyait déjà ces grandes possessions lointaines telles qu’elles seront dans trente ou quarante ans, c’est-à-dire devenues des nations puissantes et, suivant un raisonnement inverse de celui auquel s’étaient tenus Cobden, John Bright et Gladstone, il se disait que l’intime alliance économique entre la métropole et ses colonies ne pourrait subsister qu’en s’appuyant sur une intime union politique. Mais quelle serait la formule, quelles seraient les conditions de ce nouvel organisme inconnu jusqu’alors, de cette fédération d’États séparés par les mers et les Océans et dont les intérêts se différenciaient tous les jours davantage, à mesure qu’ils croissaient en population et développaient leur énergie productive ? Ainsi M. Chamberlain était amené à envisager ce problème de l’Impérialisme britannique, qui domine tous les autres, et si important, que nous sommes, avec les autres races du globe, intéressés à la solution qu’il recevra. C’est pour l’étudier que M. Chamberlain accepta le ministère des Colonies et, en cette qualité, il devint le ministre en évidence, comme M. Balfour l’avait été lorsqu’il était secrétaire d’Etat pour l’Irlande.

Une première tentative pour établir l’Union douanière, pour fonder, si je puis parler ainsi, l’Empire sur l’unité de tarifs, avait échoué lorsque éclata la guerre du Transvaal à la fin de 1899. Qu’on en fasse remonter la responsabilité à lord Salisbury et à M. Chamberlain, ou au président Kruger et au petit groupe de politiciens à courte vue qui recevaient son inspiration, M. Balfour est, en quelque sorte, hors de cause dans cette affaire.

Il n’était pas, comme M. Chamberlain, le grand moteur du