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a abouti au Land Purchase bill, c’est-à-dire au rachat de la terre irlandaise et à la mise en possession des propriétaires primitifs du sol. Le Congested district board est une institution dont le nom exprime mal la fonction. Ceux qui le composent reçoivent et accomplissent une mission civilisatrice ; ils font, en quelque sorte, l’éducation industrielle et commerciale de ces pauvres gens, illettrés et à demi sauvages ; ils leur apprennent à tirer parti des ressources naturelles placées sous leur main ; ils fournissent aux pêcheurs et aux agriculteurs des méthodes et des débouchés, des moyens d’exploitation et de transport ; ils vont partout, prêchant l’hygiène et la propreté, distribuant, avec des leçons de choses, des prêts d’argent qui permettent de remplacer les hideuses cabines de boue durcie, couvertes de chaume, par des habitations plus saines et plus commodes. Ont-ils réussi, ces missionnaires de M. Balfour ? La statistique répond que, là où l’Irlandais gagnait un shilling, avant leur passage, il gagne aujourd’hui une livre et au-delà.

Pour la question agraire, qu’il faisait passer avant toutes les autres, M. Balfour a procédé par trois ou quatre étapes législatives, tâtant le terrain devant lui et faisant des expériences dans un champ restreint et sur une humble échelle. La grande mesure est venue longtemps après qu’il avait quitté la secrétairerie de l’Irlande. Et pourtant, il m’est impossible de ne pas la rattacher à cette pensée de générosité et de justice qui gouverna son administration. La terre irlandaise aux Irlandais : tel est le principe. Il est absolument identique à celui de la Land League. Seulement, M. Balfour procède par voie légale, là où la Ligue employait les moyens révolutionnaires du fameux « Plan de campagne. » Les landlords fixent leur prix, une expertise officielle a lieu. Le fermier, en un certain nombre d’années, deviendra définitivement propriétaire au moyen d’un paiement annuel qui n’excède pas de beaucoup la quotité de ses fermages d’autrefois. Il a maintenant la certitude que toutes les améliorations introduites par lui dans le domaine lui demeureront acquises. Deux cent mille fermiers, sur un total de 350 000, sont aujourd’hui chez eux au lieu d’être les locataires d’un maître lointain. L’opération a demandé comme appoint, on le devine, une somme qui s’élèvera à plusieurs milliards et qui a dû sortir de la poche du contribuable anglais. Cette opération n’aura-t-elle que de bons résultats ? Il est encore trop tôt pour l’affirmer.