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complémentaire. Cet impôt s’expliquerait dans notre système mieux que dans celui de M. Caillaux. Si on se contente, en effet, d’une réforme partielle s’appliquant à une ou à deux de nos contributions directes, au lieu de la refonte générale à laquelle a procédé M. Caillaux, on peut admettre la nécessité d’un impôt complémentaire pour corriger quelques défauts auxquels on n’aurait pas porté suffisamment remède, défauts oubliés ou négligés. Mais à quoi bon cet impôt avec un réformateur quasi infaillible et qui a tout changé à la fois ? L’impôt complémentaire a, dit-on, pour objet de faire contrepoids à la charge trop lourde que les contributions indirectes imposent aux classes pauvres. Soit : mais pourquoi en inventer un de plus et le qualifier de complémentaire alors qu’on vient de réformer tous les autres avec une liberté absolue ? L’esprit d’imitation explique seul cette création : on a voulu imiter ce qui se passe en Prusse, comme si la Prusse était un pays modèle, et si ses institutions et ses mœurs étaient le plus rapprochées des nôtres : elles sont en réalité à l’antipode. On a donc fait l’impôt complémentaire et, bien que nous n’en apercevions pas la nécessité, nous dirons une fois de plus : soit ! M. Ribot en ayant accepté le principe, nous l’accepterons aussi. Nous y verrons un impôt destiné à remplacer l’impôt personnel mobilier et l’impôt des portes et fenêtres, qui par leur réunion étaient déjà, à tout prendre, un impôt général sur le revenu. Nous demandons seulement que le nouvel impôt s’inspire des mêmes principes que l’ancien, qui reposait sur des signes apparens, qui était proportionnel et non progressif, et qui enfin était très modéré : il n’y aurait pas d’inconvéniens à ce qu’il le fût un peu moins. Dans cette mesure prudente et restreinte, l’impôt, complémentaire n’est pas inadmissible ; mais ce n’est pas là celui de M. Caillaux ! Celui de M. Caillaux en est même tout l’opposé ! M. Ribot l’a dénoncé comme un instrument de la guerre de classes rêvée, poursuivie, déjà fomentée par les socialistes. Le complémentaire porte une atteinte directe au principe de l’égalité devant l’impôt. Il y a, en effet, en France plus de 8 millions de contribuables : sait-on, sur ce nombre, combien paieront l’impôt ? 500 000, un demi-million : le reste, c’est-à-dire la grande majorité, en sera exempt. Ainsi, en ce qui concerne cet impôt, dont le taux déjà très élevé est certainement destiné à grandir encore, les contribuables français sont divisés en deux catégories outrageusement inégales : l’une ne paiera rien, l’autre paiera tout. Cette énormité fiscale, politique, sociale, est le trait distinctif de l’œuvre de M. Caillaux.

Au surplus, nous n’avons pas l’intention de discuter aujourd’hui le