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explication « scientifique. » Il suppose que Jeanne peut avoir été guidée par le confesseur du Roi, le vieux Machet. Pour aboutir à cette conclusion, nous devons conjecturer que le Roi a parlé de sa prière à son confesseur, — ce que les témoignages nous disent qu’il n’a point fait, — que Machet a rompu le sceau de la confession, dans son enthousiasme pour une jeune fille inconnue déguisée en page, et que lui et Jeanne ont conspiré à « mystifier » le confiant Dauphin !

M. France, de son côté, observe que l’affirmation par Jeanne de la légitimité de Charles n’aurait pas eu de quoi émouvoir ce dernier. « Sa première idée aurait été que les prêtres avaient endoctriné la jeune fille. » Mais aussi Charles, suivant tous les témoignages, a-t-il été convaincu par la révélation de son secret, et non point par l’assertion de Jeanne. Sa confiance lui est venue à découvrir que la Pucelle se trouvait connaître « ce qui ne pouvait être connu que de lui-même et de Dieu. » Avec Quicherat et Vallet, je reconnais l’excellence des témoignages en faveur des faits : mais l’explication « scientifique » de ces faits ne nous a pas encore été présentée.


Ce qui n’empêche pas M. Lang, comme je l’ai dit, de n’attacher qu’une importance très secondaire à ces épisodes, plus ou moins inexplicables, de la vie de Jeanne d’Arc ; et là-dessus tous les admirateurs de l’héroïque jeune fille s’accorderont avec lui. Le vrai « miracle, » chez Jeanne, c’est son génie, l’intelligence avec laquelle cette enfant s’est rendu compte de sa tâche, et le sublime courage qui lui a permis de l’exécuter. « Cependant, — ajoute le biographe anglais en achevant son récit, — j’incline à penser que Jeanne, d’une façon et jusqu’à un degré difficiles à définir, a été véritablement inspirée. Son haut génie et son noble caractère ont trouvé, à leur service, des pouvoirs qui n’ont de valeur réelle qu’en proportion de l’objet où ils sont employés. Le don qu’elle a eu de voir certaines choses cachées, — à supposer qu’elle l’ait eu, — ce n’est pas lui qui l’aurait aidée dans la grande entreprise de la délivrance de son pays, sans le génie et le caractère qui étaient en elle. Une autre fille aurait pu entendre les mêmes voix, offrant les mêmes conseils : mais aucune autre n’aurait déployé l’énergie indomptable que celle-là nous a montrée, sa force d’encouragement, l’exquise douceur de son âme, ni sa merveilleuse et triomphante ténacité de vouloir. »


T. DE WYZEWA.


NOTE. — A propos de ma dernière chronique sur l’Immortelle Bien-Aimée de Beethoven, des descendans de la plus jeune sœur de Thérèse