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de mort, la conduit à des reniemens qu’il est impossible à un historien d’effacer tout à fait du récit de sa vie.


Sur ces reniemens de la Pucelle, M. Lang analyse en grand détail tous les témoignages qui nous sont parvenus. Il établit de la façon la plus certaine que, le 24 mai, dans le cimetière Saint-Ouen, la première abjuration de Jeanne ne porta point sur le long « catalogue de crimes » reproduit dans le Procès, mais sur une sentence beaucoup plus courte, « à peine plus longue qu’un Pater noster. » Seul, le fait de l’abjuration est malheureusement incontestable : sa réalité et sa gravité nous sont affirmées par la pauvre fille elle-même, dans son aveu du 28 mai suivant. « Dieu m’a parlé, — reconnaît-elle, — par l’entremise de sainte Catherine et de sainte Marguerite, de la grande pitié de la trahison à laquelle j’ai consenti en faisant cette abjuration et révocation pour sauver ma vie… Mes voix m’ont assuré, depuis lors, que j’avais grandement péché à ce faire… Ce que j’ai dit, je l’ai dit par crainte du feu. »

Mais ensuite, à la veille de sa mort, la condamnée a-t-elle renouvelé, une seconde fois, l’abjuration que ses « voix » lui avaient reprochée ? Le document qui nous l’affirme est daté du 7 juin, huit jours après l’aveu qu’il prétend révéler ; et M. Lang, sans aller jusqu’à y voir une invention calomnieuse des bourreaux de la Pucelle, émet l’hypothèse que celle-ci, avec la finesse subtile dont une foule de ses réponses au procès nous apportent la preuve, aura inventé un moyen de paraître accorder satisfaction aux juges, tout en ne leur concédant rien sur les points essentiels. Son objet, désormais, n’était plus de sauver sa vie, se sachant perdue : elle voulait simplement qu’on lui permît de se confesser avant de mourir, afin de pouvoir aller tout droit à ce « Paradis » où ses Voix lui avaient déclaré qu’elle serait reçue. Imaginer, dans ces conditions, qu’elle ait vraiment consenti à abjurer de nouveau, c’est lui prêter une conduite d’une absurdité trop visible. Et quant au fait incontestable de sa confession, qui, suivant ses détracteurs, suffit à démontrer qu’elle a dû abjurer une fois de plus, est-ce que nous n’aurions pas le droit de penser, plutôt, que Pierre Cauchon et ses acolytes ont été ravis d’autoriser un acte dont eux-mêmes, après la mort de Jeanne, tireraient argument à l’appui du mensonge d’une abjuration ? « Quoi qu’il en soit de tout cela, — conclut