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Voici maintenant les « voix. » Et d’abord, M. France nous apprend que la première qu’ait entendue Jeanne est celle de saint Michel, en ajoutant que l’enfant a reconnu ce saint « à ses armes, à sa courtoisie, et aux belles maximes qui sortaient de sa bouche. » Source citée : le Procès de Rouen, tome I, pp. 72-73. Or il n’est nullement question, dans ces pages, des « armes » de saint Michel ; et, au contraire, un peu plus loin, Jeanne déclare qu’elle « ne sait pas si ses saints avaient des armes. » Ou bien, M. France écrit : « La mère du petit Nicolas, filleul de Jeanne, blasonnait rustiquement une fille si peu dansante… Jeanne passait pour un peu folle. Poursuivie de railleries, elle en souffrait. » Tout cela appuyé sur les pages 426 et 432 du tome II du Procès. Mais ni l’une ni l’autre de ces deux pages ne contiennent rien qui se rapporte aux choses qu’on vient de lire. L’unique passage utilisable qu’ait pu découvrir M. Lang est une phrase de la page 433 où l’un des paysans, Colin, déclare que lui-même et d’autres se moquaient parfois de l’excessive piété de leur petite compagne, — sans que nous sachions le moins du monde à quel point celle-ci « en souffrait, » ni si elle passait, en effet, « pour un peu folle. »

L’objection suivante est beaucoup plus grave. A propos des « voix » de Jeanne, le biographe anglais s’étonne vivement que son confrère français ait pu dire de la jeune fille : « Ses hallucinations perpétuelles la mettaient, le plus souvent, hors d’état de distinguer le vrai du faux. » Sa réponse à cette assertion de M. France mérite d’être citée tout entière :


Voilà, s’écrie-t-il, une accusation que M. France ne saurait appuyer sur aucun témoignage ! Toujours, au contraire, nous trouvons Jeanne infiniment alerte à se rendre compte de ce qui l’entoure, pleine de vigilance et d’observation. En bataille, elle épiait le moindre signe de défaillance morale, chez l’ennemi, tout en ne perdant jamais de vue les mouvemens de celui-ci et la position de ses canons. « Cette pièce va vous tuer, si vous restez à l’endroit où vous êtes ! » disait-elle opportunément à d’Alençon, pendant le siège de Jargeau. Sur quoi le duc d’Alençon se retirait de l’endroit, et le canon venait tuer le soldat qui l’y remplaçait. Jamais, tout au long de sa vie, nous n’entendons dire qu’on ait vu la Pucelle immobile et absorbée en extase, comme autrefois Socrate au siège de Potidée. La particularité caractéristique de ses visions est précisément que jamais, — autant du moins que nous pouvons le savoir par les témoignages qui subsistent, — jamais ces visions ne l’ont entravée le moins du monde dans sa perception nette et sûre des faits extérieurs. Sur l’échafaud, à Rouen, lorsqu’on la prêchait, et que la charrette l’attendait pour la conduire au bûcher, elle entendait « ses