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Ce fut à cette occasion que la sœur de Sainte-Euphémie se souvint une dernière fois qu’elle avait jadis été poète. Elle composa sur le miracle de la Sainte-Épine une longue pièce de vers que Sainte-Beuve juge « parfaitement détestables, » tandis que Victor Cousin déclarait que « plusieurs de ces stances, et particulièrement la première, ne dépareraient pas l’Imitation de Corneille. » Sainte-Beuve exagère : la pièce est trop longue, et elle contient des vers médiocres, mais elle en renferme d’autres qui ont réellement une allure cornélienne. Ainsi, par exemple, cet éloge de la ville de Clermont-Ferrand sous Henri IV :


Cette heureuse cité fit voir dans le hasard Qu’elle rendait justice à Dieu comme à César, En conservant sa foi sans devenir rebelle.


Et voici la strophe signalée par Cousin :


Invisible soutien de l’esprit languissant,
Secret consolateur de l’âme qui t’honore,
Espoir de l’affligé, juge de l’innocent,
Dieu caché sous ce voile où l’Église t’adore,
Jésus, de ton autel jette les yeux sur moi ;
Fais-en sortir ce feu qui change tout en toi ;
Qu’il vienne heureusement s’allumer dans mon âme,
Afin que cet esprit, qui forma l’univers,
Monte, en rejaillissant de mon cœur dans mes vers,
Qu’il donne encore aux tiens une langue de flamme !


Nous n’avons pas, sur les six dernières années de la vie de la sœur de Sainte-Euphémie, tous les renseignemens dont nous serions curieux. Il est infiniment probable qu’elle dut réaliser à bien peu près le type de la « religieuse parfaite » tel qu’on le trouve décrit dans un petit livre dont elle semble avoir été l’auteur[1]. L’historien des Vies intéressantes et édifiantes des

  1. L’Image d’une religieuse parfaite et d’une imparfaite, avec les occupations intérieures pour toute la journée, 2e’ édition, Paris, Charles Savreux, 1666, in-16. — Dans l’excellente édition que M. A. Gazier vient de publier de l’Abrégé de l’Histoire de Port-Royal de Racine (Paris, Société française d’imprimerie et de librairie, 1908 ; in-16, p. 197), je lis ceci : « La Religieuse parfaite a été recueillie par la sœur Euphémie sous la mère Agnès, lorsque celle-ci était maîtresse des novices. » (Diverses particularités concernant Port-Royal recueillies par mon père de ses conversations avec M. Nicole.) Le témoignage est formel, mais il est un peu énigmatique : car, dans ce livre, qu’est-ce qui est exactement de la mère Agnès, qu’est-ce qui est de la sœur de Sainte-Euphémie ? C’est ce qu’il est bien difficile de démêler. Et voilà pourquoi je n’insiste pas sur ce petit volume.