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puis sa sœur Gilberte et son mari, qui vinrent peu après à Rouen, et tous ensemble « se soumirent à la conduite » de M. Guillebert.

Chez aucun des siens l’ardente parole de Blaise Pascal ne trouva un terrain mieux préparé, une âme plus intacte, plus vibrante et plus prête que chez Jacqueline. Dans cette famille très unie, les deux derniers nés, plus rapprochés par l’âge, et restés seuls au foyer, avaient conçu l’un pour l’autre une de ces jalouses et profondes tendresses, comme il en naît parfois entre un frère et une sœur presque contemporains et élevés côte à côte. Ils se ressemblaient même physiquement[1], mais plus encore par l’intelligence et par le cœur : ils pensaient, ils sentaient à l’unisson ; leurs esprits, comme deux tiges jumelles, issues d’un même arbre, avaient poussé, drus et fiers, d’un même élan ; leurs deux âmes semblaient forgées du même pur métal résistant et sonore, de celui dont on fait les héros et les saints. Il y avait dans la mâle affection de Blaise quelque chose de protecteur, de dominateur aussi, et ce besoin de prêcher, d’entraîner, de convertir, qui devait faire de lui un apologiste ; il y avait dans celle de Jacqueline plus de douceur et plus de grâce, quelque admiration sans doute aussi pour ce génie qui s’annonçait si ferme et si hardi, et un peu enfin de cette pitié inquiète, de cette sollicitude quasi maternelle qu’en vraie femme qu’elle était elle devait éprouver d’autant plus vive pour ce frère si souvent malade, que leur mère n’était plus là pour veiller sur la chère santé compromise. Son âme était libre d’ailleurs de toute grande

  1. Il existe deux portraits de Jacqueline Pascal : l’un qui se trouve à l’oratoire-musée de Port-Royal, l’autre au château de Bosmelet (Seine-Inférieure). Aucun des deux ne figure parmi les illustrations du charmant volume que M. A. Hallays vient de publier sous le titre du Pèlerinage de Port-Royal (Perrin) ; mais l’un au moins sera reproduit dans la belle Iconographie port-royaliste, qui va prochainement paraître à la librairie Hachette, par les soins de MM. A. Hallays. et A. Gazier.