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immigrans de Russie, de Roumanie, de Galicie qui, après vingt siècles d’exode, reviennent au pays de leurs lointains ancêtres coloniser les champs déserts de l’antique terre de Chanaan. Jérusalem, Jaffa, Tibériade sont déjà redevenues aux trois quarts des villes juives. Musulmans et chrétiens s’en préoccupent également. Si elles n’encouragent pas, chez leurs élèves, le vieux songe du relèvement du trône de David ou du temple de Salomon, les écoles de l’Alliance rendent service à leurs coreligionnaires, en n’éveillant pas les défiances du gouvernement turc.


Les écoles laïques françaises ne viennent en Turquie, et dans tout l’Orient, que bien après les écoles catholiques et israélites. Aux écoles laïques privées, jusqu’ici peu nombreuses, sont venus naguère s’ajouter les établissemens fondés par la « Mission laïque française, » à laquelle nos Chambres ont voté, pour quinze ans, une subvention annuelle de 18 000 francs. Nous serions heureux de voir cette subvention largement augmentée, à condition que ce ne fût pas aux frais de nos autres écoles d’Orient. Les fondateurs de la mission laïque estiment qu’aux musulmans ou aux chrétiens qui ne relèvent pas de Rome, les écoles de nos religieux catholiques peuvent être justement suspectes. Ils croient que, pour être plus sûrs d’attirer à nous les Orientaux de toutes religions, il est bon de créer à côté, sinon à la place des missions catholiques, une « mission laïque » dont l’enseignement soit à l’abri de tout soupçon de prosélytisme. Pour réussir en cette œuvre nouvelle, il faut que les fondateurs et les maîtres de ces écoles laïques n’oublient point qu’en Orient la laïcité et la neutralité ne sauraient être entendues, comme elles l’ont été trop souvent en France. Il est une chose que les Orientaux redoutent plus que le prosélytisme religieux, c’est la propagande irréligieuse. A cet égard, le nom de Mission laïque n’est peut-être pas très heureux ; il a, qu’on le veuille ou non, une saveur de prosélytisme. Qui dit mission dit missionnaires ; si les nouveaux maîtres français du Levant en veulent mériter le nom, qu’ils laissent derrière eux tout esprit de propagande politique ou philosophique, pour n’être, là-bas, que les missionnaires de la science, de la culture et de la langue françaises.

La Mission laïque française a fondé ses premiers établissemens à Salonique, le grand port de la Macédoine, déjà en train de redevenir le rival de Constantinople et de Smyrne. J’ai visité,