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les inscrire au budget, il faudrait les exiger des contribuables. Ici la révolution turque se trouve en face des mêmes obstacles que la révolution russe. Comme la Douma de Russie, le Parlement de Constantinople verra ses justes désirs de développer l’instruction nationale se heurter aux résistances du ministère des Finances. Car, s’il est vrai que, pour faire vivre et durer le régime nouveau, il faut instruire le peuple, il est non moins vrai que, pour faire accepter ce nouveau régime libéral, il ne faut pas le rendre odieux au pays en le lui rendant trop onéreux. Fatal dilemme où la Jeune-Turquie restera longtemps enfermée. Par quel miracle doter toutes les provinces du vaste Empire des collèges et des écoles que, déjà, elles commencent à réclamer ? En attendant les années, sans doute lointaines, où l’Empire sera assez riche pour couvrir les villes et les campagnes de nouveaux établissemens d’instruction, les libéraux turcs devront s’estimer heureux du concours gratuit que leur apportent, en tant de régions, les écoles ou les collèges fondés par des Européens ou des Américains, écoles laïques ou religieuses, écoles catholiques, protestantes ou israélites.

Au premier abord, il semble que le mouvement nationaliste jeune-turc doive être peu favorable à tous ces collèges, à toutes ces écoles, dirigés par des maîtres qui ne sont ni de vrais croyans, ni des sujets du Sultan. Il se peut que plus d’un Jeune-Turc ait eu la pensée de leur substituer des écoles nationales, toutes musulmanes, ou du moins toutes ottomanes. L’idée, après tout, serait naturelle ; en en poursuivant l’exécution, les Turcs ne feraient guère qu’imiter la plupart des Etats d’Occident. Mais c’est là, pour la Turquie, un rêve que l’état de ses finances rend de longtemps irréalisable. Comme elle ne peut remplacer ces écoles étrangères, le mieux, pour elle, sera de les respecter. Le gouvernement turc devra déjà compter avec les écoles indigènes nationales : grecques, bulgares, serbes, arméniennes, écoles religieuses ou laïques, sur lesquelles il ne saurait porter une imprudente main, sans soulever les colères de toutes les populations chrétiennes de l’Empire. Il aura, de toute façon, assez de difficultés avec ces écoles indigènes nationales pour ne pas s’en créer d’autres avec les écoles fondées par les étrangers. Ces dernières ont au moins, pour lui, l’avantage de ne pouvoir être suspectes de séparatisme. Cela est particulièrement vrai de nos écoles françaises. Religieuses ou laïques, elles sont à l’abri de tout soupçon ; elles ne