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obstinément fidèles aux traditions de leurs antiques apôtres, Cyrille et Méthode, ne se montrent pas moins attachés à leur parler slave, à leur liturgie slavonne, réinstallée dans l’église malgré le patriarcat œcuménique. Parmi les Musulmans, les Arabes de Syrie ne laisseront pas oublier que l’arabe était la langue du Prophète, comme il est demeuré celle du livre sacré. S’il nous était permis de donner un conseil aux nouveaux maîtres de la Turquie et à son parlement encore novice, ce serait celui de ne procéder, en cette épineuse question des langues, qu’avec beaucoup de réserve et de tact, afin de ne pas provoquer à la rébellion, contre le centralisme turc, toutes les individualités nationales d’Europe et d’Asie.

Mais, en même temps, à tous les habitans de la Turquie, chrétiens ou musulmans, sujets ou non du Sultan Calife, nous donnerions le conseil de ne pas dédaigner la langue officielle de l’Empire, de l’introduire, d’eux-mêmes, dans leurs écoles et leurs collèges, comme dans leurs établissemens financiers, sans attendre qu’on prétende les y obliger par la loi. Cet avis, nous le donnerons à nos écoles et à nos établissemens français, religieux ou laïques. Ce peut être parfois, pour eux, une difficulté de plus ; mais c’est une difficulté qu’il leur faut savoir affronter et vaincre. Le problème est du reste d’une solution plus facile en Orient qu’il ne le serait chez nous, Français ; car, musulmans, chrétiens ou juifs, Turcs ou Grecs, Arméniens ou Arabes, les Orientaux, à cet égard, nous sont aisément supérieurs. Ils ont, pour l’étude des langues, un goût et une intelligence qui se rencontrent rarement au même degré en Occident, comme si le besoin en avait fait chez eux une faculté héréditaire.

C’est une des choses qui doivent nous rassurer sur l’avenir prochain du français en Turquie. Aux Turcs, comme aux Grecs, aux sujets ottomans de toute race et de toute religion, il faudra, longtemps encore, j’oserai presque dire il faudra toujours, une langue internationale, empruntée à l’Occident, qui les mette ou les maintienne en relations avec l’Europe et avec la civilisation moderne. N’est-ce pas là une des premières conditions de la rénovation de l’Orient ? Les plus patriotes, les plus nationalistes des Jeunes-Turcs en ont eux-mêmes le sentiment. Comme me le disait l’un d’eux à Constantinople, il y a peu de mois, ils tiennent à ne pas être ou à ne pas rester un peuple asiatique ; c’est même, affirment-ils, un des motifs pour lesquels ils attachent tant de