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l’avènement semblait une menace pour notre langue française, qui déjà, en Russie même, avaient commencé à en ébranler l’hégémonie ancienne, paraissent, en de nombreux pays d’Orient ou d’Occident, en train d’en devenir les alliées. C’est ce que nous voudrions montrer ici, en recherchant quel sort prochain réservent à notre langue les révolutions contemporaines, — l’inauguration ou l’extension du suffrage universel ; — le mouvement de rénovation et d’indépendance qui semble soulever à la fois tous les peuples de l’Europe centrale et orientale, Slaves, Magyars, Grecs, Roumains, — le brusque éveil des peuples islamiques à la culture européenne qui fait courir un frisson de renouvellement à travers toute l’Asie musulmane, — la fièvre enfin de constitution et de gouvernement représentatif qui, après l’autocratique Russie, secoue la Turquie et la Perse et commence à gagner la Chine. Par une bonne fortune qui n’est pas imméritée, il se trouve que toutes ces modernes aspirations, toutes ces révolutions d’hier ou de demain peuvent valoir à notre langue de nouveaux amis. A beaucoup de ces peuples d’Europe ou d’Asie, en lutte pour la liberté ou pour l’indépendance, nous verrons que notre langue apparaît comme un instrument de libération. Il peut se faire ainsi que, après avoir menacé l’hégémonie mondaine du français de cour, l’avènement des démocraties nationales et les révolutions de l’Orient apportent à cette vieille langue française, avec une clientèle élargie, un ascendant nouveau.


I

Partout dans mes récens voyages, en Hongrie, en Serbie, en Bulgarie, en Turquie, comme en Grèce, comme en Roumanie, j’ai trouvé notre langue en progrès. Il n’y a guère, dans tout l’Orient méditerranéen, qu’un pays où sa prépondérance soit menacée ; ce pays, c’est l’Egypte, et il n’est, hélas ! pas besoin d’en indiquer les raisons. Partout ailleurs, au contraire, l’ascendant du français s’est maintenu ou affirmé. La primauté conquise par lui au XIXe siècle, le XXe paraît la lui devoir conserver. D’Athènes à Smyrne et de Smyrne à Constantinople, j’ai eu, au printemps dernier, le plaisir de faire route avec un des plus illustres champions de notre langue à l’étranger, le sociologue russe Novikof. On connaît sa thèse sur la future prédominance