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Presque tout ce qu’ils font et même ce qu’ils disent se rapporte aux situations où ils sont mêlés et contribue à les caractériser. Il n’est pas sûr d’ailleurs que le public athénien du IVe siècle ait apprécié ce mérite comme nous l’apprécions nous-mêmes. On sait que Ménandre ne remporta qu’un petit nombre de victoires dans les concours dramatiques : le peuple lui préférait Philémon. Sa supériorité ne fut unanimement reconnue qu’après sa mort. La raison de ce fait qui nous étonne pourrait bien être qu’on lui reprochait précisément ce dont nous le louons aujourd’hui.


III

Il ne faudrait pas croire, cependant, que son art fût timide et, en somme, plus fin que divertissant. César, comme on sait, ne voulait reconnaître en Térence, quelque admiration qu’il eût pour lui, qu’un demi-Ménandre (o dimidiate Menander) et il exprimait, dans une épigramme célèbre, le regret que ses imitations charmantes eussent laissé perdre en partie la force créatrice de l’original. Nous commençons à mieux comprendre les raisons de ce jugement.

Rien de plus frappant, en effet, dans les pièces dont nous entrevoyons la contexture, que l’abondance et la variété de l’invention, jointe à une franchise hardie qui aime les contrastes, qui dessine fortement les reliefs des caractères, qui fait ressortir les ridicules et qui crée partout de la vie et du mouvement. Une comédie de Ménandre n’est pas du tout une simple série de dialogues finement nuancés où se refléteraient des sentimens toujours tempérés. C’est une action très vive, souvent passionnée, une lutte de volontés, avec des reviremens et des surprises, mais dont l’âpreté s’enveloppe pour ainsi dire et s’atténue dans la riche diversité des détails et dans la variété gracieuse de la forme.

Le cadre en est constitué par la division en actes. Entre ces actes, les papyrus mentionnent la présence et l’intervention d’un chœur. Comme ce chœur ne figure que là, on a pu se demander s’il ne se composait pas simplement de musiciens ou de chanteurs qui remplissaient par des intermèdes musicaux la durée des entr’actes. Mais divers passages, mieux étudiés, ne permettent plus guère de douter que, dans certains cas au moins, ce chœur