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situation est aussi grave que possible. D’après mon entière conviction, les Français veulent la guerre, que Hohenzollern se relire ou non. » Lyons, présent à la séance, tira de l’incident la seule conséquence qu’on en devait honnêtement tirer : « Il est vrai que le pays est excessivement impatient et que plus le temps marche, plus le parti de la guerre devient exigeant. Il a, en effet, déjà proclamé que le règlement de la question Hohenzollern n’était plus suffisant et que la France doit exiger une satisfaction au sujet du traité de Prague[1]. »

Mon interprétation ne fut pas différente de celle de l’ambassadeur anglais. Au sortir de la séance, j’écrivis à l’Empereur à Saint-Cloud (11 juillet, 6 heures du soir) : « Sire, il se produit en ce moment au Corps législatif un mouvement qu’il importe que je signale à Votre Majesté. Lorsque, après la déclaration très bien accueillie de Gramont, Emmanuel Arago a demandé au ministère : « Avez-vous soulevé d’autres questions que celle du prince de Hohenzollern ? » Gramont s’étant levé pour répondre, la Droite, avec une ardeur singulière, s’y est opposée. Cette attitude s’explique par le patriotisme, sans doute, mais aussi par les idées qui se manifestent dans les couloirs. La Droite déclare tout haut que l’affaire Hohenzollern ne doit être considérée que comme un incident, que, la solution fût-elle favorable, il faut ne pas s’arrêter, soulever la question du traité de Prague, et placer résolument la Prusse entre un Congrès accepté et la guerre. Ce langage était tenu à la fois par MM. Gambetta, Montpayroux dans la Gauche, Jérôme David et Pinard du côté de la Droite, et les uns et les autres annonçaient tout haut l’intention d’attaquer le Cabinet s’il s’arrêtait après le dénouement de l’affaire Hohenzollern. M. Thiers s’exprimait avec une extrême vivacité dans le sens contraire ; il estime que la reculade prussienne, à laquelle il croit plus que moi, serait une satisfaction dont il faudrait se contenter. »


IX

Cependant les excitations ne nous amenèrent pas à élargir le débat comme on nous le demandait et nous le maintînmes

  1. A Granville, 12 juillet 1870.