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Mais il avait dû maintenant rejoindre son père et l’on pouvait espérer une réponse définitive de lui le soir ou le lendemain. » Il faut remarquer ici que ce que le Roi attend ce n’est pas la décision du père Antoine, au nom de son fils, c’est celle du prince lui-même. C’était le prince qui avait sollicité son assentiment et c’était lui et non son père qui devait renoncer s’il y avait lieu.

Benedetti lui disant qu’à Paris on ne croirait pas à l’absence du prince héritier, le Roi répondit : « Si vous dites la complète vérité comme je vous la dis, on doit vous croire, et si néanmoins on ne vous croit pas, c’est qu’on aurait un motif pour cela et je crois bien connaître ce motif par les déclarations de Gramont : c’est qu’il veut la guerre, et les armemens en France me sont bien connus. Je ne dois pas vous cacher que je prends moi-même mes précautions pour n’être pas surpris. » Il comprit aussitôt l’imprudence d’un tel aveu, et il essaya de le reprendre ou au moins de l’atténuer : « Il avait encore confiance dans le maintien de la paix : elle ne serait pas troublée si l’on voulait attendre à Paris qu’il fût en mesure d’y contribuer en lui laissant le temps nécessaire[1]. » Toujours aimable, il invita encore Benedetti à dîner pour le lendemain.

Benedetti, de plus en plus pressant, fit part au Roi de l’impatience du Sénat et du Corps législatif, de l’obligation où se trouvait le gouvernement de l’Empereur d’y satisfaire et du péril de cet état de choses accru par chaque jour de retard. Et il rétorqua les argumens repris par le Roi sur la distinction entre le Roi et le chef de famille. Ce fut en vain. Le Roi demeura inébranlable dans son système : « Je n’ordonnerai ni ne conseillerai à mes parens, que j’ai autorisés à accepter, de revenir sur leur résolution, mais si, spontanément, ils y reviennent eux-mêmes, j’approuverai leur renonciation comme j’ai approuvé leur acceptation. » Et il demanda instamment de télégraphier en son nom, sans perdre un instant, qu’il croyait recevoir « ce soir ou demain

  1. Pour la seconde audience comme pour la précédente les documens prussiens racontent les réponses du Roi sans aucune des atténuations de Benedetti. Voici en effet comment le Journal officiel donne cette seconde entrevue : « 11 juillet. Le comte Benedetti insiste auprès du Roi pour que Sa Majesté engage le prince de Hohenzollern à se désister de la candidature au trône ; le Roi repousse cette demande.