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esprit brillant, d’une charmante distinction de manières et de caractère, écuyer de l’Empereur, bien vu aux Tuileries, en relations intimes avec le duc et la duchesse de Mouchy. Le dimanche 10 juillet, il envoya Massa chez la duchesse pour l’engager à faire savoir à l’Impératrice que, si on ne réussissait pas à éviter la guerre, l’Empereur pouvait compter sur son patriotisme : il appuierait à la tribune la demande des crédits militaires, afin qu’ils fussent, comme cela était désirable, votés à l’unanimité, et il s’associerait à tous les efforts du gouvernement. Ce n’était pas une demande formelle d’être reçu, mais une indication très claire qu’il serait bien aise qu’on l’appelât. Une telle démarche était des plus naturelles. C’est l’Empereur qui avait fait les premières avances en envoyant à Thiers par Le Bœuf la prière de défendre le contingent, et Thiers fort galamment offrait de compléter le service qu’on lui avait demandé par un service encore plus considérable qu’on ne lui demandait pas.

Massa se rendit boulevard de Courcelles, chez la duchesse de Mouchy. Elle estima qu’un pareil message devait être communiqué sans retard, et partit aussitôt pour Saint-Cloud. Au lieu de s’adresser à l’Impératrice, elle alla à l’Empereur qui, morne et préoccupé, se promenait dans le parc. Elle lui répéta ce qu’elle venait d’entendre. Et comme l’Empereur accueillait cette communication sans empressement, avec froideur même, elle insista, s’appuyant sur la force qu’un tel concours donnerait : « Sans doute, répondit Napoléon III, M. Thiers connaît très bien les questions militaires ; mais c’est un démolisseur, il a démoli tous ceux qui se sont confiés à lui. D’ailleurs, nous n’en sommes pas là, et ce n’est pas le moment de faire des changemens dans le gouvernement. Faites-lui répondre que, sur les bancs de l’opposition aussi bien qu’au ministère, l’Empereur compte sur le patriotisme de l’historien du Consulat et de l’Empire. La duchesse transmit ces paroles à Massa, qui vint la chercher chez elle à cinq heures. La réponse n’était pas heureuse. Ce n’était pas le cas de caractériser la conduite générale de Thiers : le seul de ses actes qu’il y avait lieu de se rappeler, c’était son discours du 30 juin, dans lequel il avait si admirablement défendu l’armée contre ses amis et rendu justice à la politique nouvelle de l’Empereur, discours pour lequel on lui devait une gratitude qu’on ne lui avait pas encore manifestée. Un compliment bien fait n’était pas l’accueil dû à celle bonne volonté. « Remerciez,