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dont il ne s’est jamais départi : le gouvernement prussien était resté étranger à la négociation ; s’appropriant le langage de Thile, il n’admit pas qu’on interpellât le Cabinet de Berlin sur une affaire qu’il n’avait pas connue et dont il n’était pas plus responsable que tout autre Cabinet européen. Cependant il reconnut que son premier ministre avait été tenu au courant des divers incidens de la question. Son intervention personnelle ainsi avouée, il prétendit n’être intervenu que comme chef de famille, non comme souverain ; même comme chef de famille, son rôle avait été en quelque sorte passif : il n’avait pas pris part à la négociation, il avait refusé de recevoir un envoyé du Cabinet espagnol porteur d’une lettré de Prim ; il n’avait pas encouragé le prince Léopold à accepter les ouvertures espagnoles, il s’était contenté de ne pas le lui interdire lorsque le prince, décidé à acquiescer, avait sollicité son consentement, à son arrivée à Ems. Il jugeait incompatible avec sa dignité souveraine d’exiger du prince qu’il renonçât à la couronne après ne lui avoir pas interdit de l’accepter ; si spontanément, le prince retirait sa candidature, il s’abstiendrait de l’en détourner : il entendait lui laisser, après comme avant son acceptation, la plus entière liberté ; lui-même s’était mis en communication avec le prince Antoine qui se trouvait à Sigmaringen et l’avait interpellé pour savoir l’influence que l’émotion causée en France exercerait sur son esprit et sur celui de son fils ; il subordonnerait ses résolutions à sa réponse ; 1 il croyait inutile jusque-là de continuer l’entretien ; il espérait être renseigné bientôt ; cependant, quelque temps serait nécessaire, car il ne pouvait faire usage du télégraphe, ne possédant pas à Ems un chiffre pour conférer par cette voie.

Puis il s’expliqua sur nos actes : il approuvait la première partie de notre déclaration, mais il avait vivement ressenti la seconde ; partant de cette idée que la Prusse n’avait aucune part à cette candidature, il voyait une appréciation mal fondée, presque une provocation, dans nos paroles sur « les vues d’une puissance étrangère ; » notre émotion ne lui paraissait pas justifiée ; nous exagérions la portée qu’aurait l’établissement d’un prince de sa famille sur le trône d’Espagne, ce que pour sa part il n’avait jamais désiré ; le gouvernement actuel de l’Espagne était souverain, reconnu par toutes les puissances, et il n’imaginait pas comment nous pouvions le mettre en tutelle et nous