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qu’il y soit pour rien, non, car on ment beaucoup dans ces sortes d’aventures[1]. » La confiance que l’Empereur lui témoignait le toucha plus que tous les raisonnemens de Mercier, de Layard et des diplomates et le décida à oser ce qui était dans son sentiment personnel. Il promit à Bartholdi d’envoyer quelqu’un au prince Léopold ; ni les ministres ni Olozagane devaient être instruits d’une mission à laquelle il se croyait obligé de maintenir un caractère mystérieux et tout privé. Il en informa seulement Prim. Ce complice hypocrite de Bismarck se garda bien de le décourager ; il comptait sur la fermeté de Léopold, sur sa fidélité envers lui et Bismarck, et ne doutait pas que l’envoyé du Régent ne se heurtât à un refus invincible. Alors, se retournant vers Serrano, il lui aurait dit : « Puisque le prince veut aller jusqu’au bout, l’honneur du noble peuple espagnol nous oblige à le suivre. » Mais comme il ne voulait pas donner son assentiment à une tentative dont il souhaitait et prévoyait l’insuccès, il obtint qu’il serait censé l’avoir ignorée. Le 10, à neuf heures du soir, Serrano écrivait à Mercier : « Il est parti à cinq heures et demie. Silence ! » Le messager dont le départ était ainsi annoncé était le secrétaire et le neveu du Régent, le général Lopez Dominguez, officier d’une rare distinction. Il devait aller à Sigmaringen exposer au chef de famille les considérations puissantes qui rendaient nécessaire le retrait de la candidature. Il était en outre, si cela devenait nécessaire, accrédité auprès du roi de Prusse et de Bismarck.

Par ce fait d’accréditer son envoyé auprès du Roi et de Bismarck, aussi bien qu’auprès des Hohenzollern, Serrano confirmait lui aussi ce que nous apprenions de tous les côtés, que l’un et l’autre avaient participé au complot. Cette démarche du Régent était un acte considérable ; elle ne deviendrait un acte décisif que si elle n’était pas contrariée par la volonté du roi de Prusse. La négociation que nous avions entreprise avec lui à Ems domine donc les autres faits diplomatiques.


III

L’idée d’une négociation à Ems admise, nous n’hésitâmes point sur le plénipotentiaire à y envoyer. L’opinion publique,

  1. De Mercier, 9 juillet.