Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/734

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comment l’aurait-il prise ? Il savait le consentement du Roi accordé, et il ne songeait guère à en obtenir la révocation. Il répondit qu’il ne pouvait et il pria de ne pas divulguer qu’il nous avait ouvert cette issue. Du reste, aucune modification ne se produisit dans sa conduite officielle. Sagasta et lui reçurent amicalement les représentations bénévoles de Layard et des autres agens ; ils répétèrent, autant qu’on le voulut, que le ministère espagnol n’avait jamais eu l’idée de contracter une alliance avec la Prusse, ni de rien faire d’hostile à la France et qu’il était on ne peut plus désireux de sortir de la difficulté où il était tombé sans s’en douter. Mais ils ne firent pas même pressentir l’abandon de la candidature ; ils s’en tinrent aux échappatoires et ne reculèrent pas d’un jour la convocation des Cortès, toujours fixée au 20 juillet. Ils ne secondèrent pas non plus les bonnes intentions qui se manifestaient en Portugal. Le 9 juillet, Saldanha, non moins amical qu’Olozaga, proposa à dom Fernand de revenir sur ses refus et d’écarter ainsi, par sa candidature, la candidature Hohenzollern[1]. Del Rios, le ministre d’Espagne, fidèle interprète de la pensée traîtresse de Prim, déclara « que la candidature Hohenzollern étant debout, et à côté d’elle l’honneur de l’Espagne et la parole de Prim, il s’abstiendrait de toute ingérence et se contenterait de suivre la négociation[2]. »

Prim et ses acolytes eurent même la haute fantaisie de s’amuser encore une fois de nous, en nous endormant par des assurances illusoires. « Pourquoi, dirent-ils à Mercier, tant vous préoccuper de cette date du 20 juillet ? Laissez tranquillement couler les jours sans nous tourmenter et sans vous agiter. L’état des esprits s’est bien modifié ; au début, la candidature Hohenzollern paraissait sûre de l’unanimité ; aujourd’hui, il est douteux qu’elle obtienne la majorité ; notre armée ne voudra pas se battre pour un prince allemand petit-fils de Murat ; ne vous opposez pas à la libre manifestation de la volonté nationale. Il n’y a pas de moyen plus sûr de vous débarrasser du prince Léopold. » Mercier par politique parut dupe de ces bourdes.

  1. Le Roi s’associa à cette idée. Dom Fernand résista : « il ne lui appartenait pas, dit-il, d’empêcher sa fille, la princesse Antonia, femme de Léopold, d’obtenir un trône. « Néanmoins, comme on le pressait beaucoup, il parut céder ; mais il subordonna son acceptation à deux conditions impossibles, l’insistance des puissances et l’élection par plébiscite, ce qui était incompatible avec le récent décret des Cortès.
  2. Ma Mission, p. 360.