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qu’elle ne lui donnerait pas satisfaction, mais a paru vouloir dicter aux trois puissances le texte qu’elles devraient imposer à Belgrade, de sorte qu’elles n’auraient été que les porte-paroles du Cabinet de Vienne. C’est un rôle qu’elles ne pouvaient pas accepter. Elles se sont donc remises à chercher, un peu découragées sans doute par l’intransigeance autrichienne, résolues toutefois à ne rien épargner pour assurer le maintien de la paix. À ce moment, tout le monde en Europe commençait à n’y plus croire. Manifestement, l’Autriche se préparait à la guerre. Elle se sentait la plus forte, ce qui n’était pas difficile si elle avait affaire à la Serbie seule, et elle était convaincue que les puissances, quelque pitié que pût leur inspirer son malheur, n’iraient pas jusqu’à faire la guerre pour la Serbie. Au surplus, la Russie l’avait déclaré dès le commencement des négociations. Dès lors, pourquoi se gêner ? On pouvait terminer, par un acte peu héroïque sans doute, mais fructueux, un long règne que la fortune n’avait pas militairement favorisé. L’occasion était bonne : il fallait en profiter. L’idée qu’en infligeant une humiliation à la Serbie, on infligerait aussi un désagrément à la Russie, trop sage pour renoncer à sa politique de reconstitution intérieure et pour se jeter dans les aventures, n’était peut-être pas étrangère à la résolution prise et inexorablement exécutée. Personne, à Vienne, ne semble d’ailleurs s’être demandé s’il ne resterait pas ici ou là des souvenirs amers de ce qui se passe aujourd’hui, et s’il n’était pas imprudent de sacrifier l’avenir qui est long, au présent qui est court. L’histoire même de l’Autriche contient des épisodes qui montrent de quel poids pèsent quelquefois par la suite certaines humiliations infligées à un adversaire, et on peut se demander de M. le baron d’Æhrenthal s’il sera Bismarck ou seulement Schwarzenberg. Pour le moment, il a réussi. Les trois puissances venaient d’arrêter le texte d’une nouvelle formule, qui tenait compte de celle qu’avait suggérée M. d’Æhrenthal, tout en la modifiant sur quelques points, lorsque la situation, qui semblait si tendue, s’est subitement modifiée par suite d’une nouvelle initiative prise par M. Isvolski aussi subitement, aussi isolément qu’il avait pris quelques-unes des précédentes. M. Isvolski a fait savoir à l’ambassadeur d’Allemagne à Saint-Pétersbourg, M. le comte de Pourtalès, qu’il reconnaissait purement et simplement l’annexion de l’Herzégovine et de la Bosnie. Comment n’en avoir pas éprouvé quelque surprise ? Nous avons dit plus haut que tout le monde, sauf à ménager certaines questions de forme, ou plutôt de convenance, devait en venir là ; mais la Russie avait toujours soutenu que la reconnaissance de l’annexion ne pouvait se