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très vive d’être trop souvent victimes de ces détestables mœurs politiques qui n’ont peut-être été tout à fait étrangères à aucun gouvernement, mais contre lesquelles d’autres, autrefois, ont lutté avec plus ou moins de succès, tandis que le gouvernement actuel a pris le parti de s’y soumettre jusqu’à l’abdication. C’est un point sur lequel nous aurons à revenir : nous n’avons, pour le moment, à parler du tiercement que comme d’une règle administrative nouvelle. Les postiers s’en plaignaient avec d’autant plus d’amertume qu’à les entendre il avait fallu, pour l’appliquer, remanier et maquiller leurs feuilles signalétiques, et qu’on l’avait fait à leur détriment. C’est là une des deux causes avouées de leur révolte. Sait-on quelle réponse le ministre leur a faite ? Elle est surprenante, cette réponse : le ministre leur a dit que, si le tiercement avait été établi par une circulaire, il avait depuis été supprimé par une autre dont ils ne soupçonnaient pas l’existence et dont lui-même savait mal la date. En effet, celle qu’il en a donnée était inexacte, et il a dû la rectifier le lendemain. Ainsi les postiers se sont révoltés contre un fait qui n’existait plus depuis plusieurs mois. Quant aux feuilles signalétiques, le ministre a donné l’assurance qu’elles avaient été rédigées en toute liberté et en toute conscience par les agens supérieurs des postes : il a promis toutefois de faire refaire celles qui avaient été un peu trop gribouillées. On conviendra que tout cela est singulier. Toutefois les postiers n’auraient pas poussé jusqu’à la grève, et leurs réclamations auraient gardé jusqu’au bout un caractère correct, s’ils n’avaient pas été exaspérés par les allures malveillantes et brutales de leur sous-secrétaire d’État. Nous ne connaissons pas M. Simyan et nous ne saurions dire dans quelle mesure il mérite la réputation qu’on lui a faite ; mais la clameur contre lui a été générale ; aucune voix ne s’est élevée pour le défendre, et s’il est vrai, comme le dit le proverbe, qu’il n’y a pas de fumée sans feu, il faut bien croire que son caractère ne convenait pas à ses fonctions. Il est fâcheux que ses collègues du gouvernement ne s’en soient pas aperçus plus tôt. M. Simyan est sacrifié ; mieux vaut donc ne parler de lui que le moins possible. Malheureusement, avant de tomber, il nous aura coûté cher.

En effet, quoiqu’elle n’ait duré que quelques jours, la grève nous a fait un grand mal. Certaines administrations peuvent ralentir, ou même suspendre leur fonctionnement sans qu’il en résulte une paralysie générale du corps de l’État ; mais d’autres ne peuvent pas se livrer à une semblable expérience sans susciter presque immédiatement cette paralysie. Il y a, dans le corps humain, des fonctions qui