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savant confrère. Tout est nôtre, il l’a bien montré, dans les origines et le développement, dans le fond et dans la forme de cet art dont il nous présente et nous recommande cent chefs-d’œuvre. « Nous savons que c’est à Paris qu’apparaissent, au début du XIIIe siècle, peut-être même à la fin du siècle précédent, les premières manifestations, historiquement attestées, de la musique mesurée. Cet art est né à Paris, dans la Cité, il a été cultivé dans le milieu propice du cloître Notre-Dame… Les manuscrits, dans lesquels ces œuvres nous ont été conservées, sont eux-mêmes de provenance parisienne ; ils ont été écrits par des copistes, enluminés par des artistes aux gages du Chapitre de la cathédrale, et c’est de Notre-Dame qu’ils sont partis quand, messagers de l’ail français, ils ont été, par-delà nos frontières politiques, porter au loin les compositions de nos musiciens. Aurait-on quelques doutes encore sur l’origine de ces discantuum volumina, de ces recueils de motels, l’examen du manuscrit dans ses caractères intrinsèques et dans son contenu suffirait pour les faire tomber. La paléographie constate en effet une parenté étroite entre l’écriture musicale de ces livres de dédiant et la notation des graduels, des antiphonaires et autres livres liturgiques du diocèse de Paris ; d’autre part, ces recueils contiennent un grand nombre de pièces relatives à des saints ou à des saintes particulièrement en honneur à Paris et non ailleurs ; enfin le style même des miniatures et des lettres ornées vient confirmer la provenance parisienne de ces manuscrits. »

Enfin, rassemblant une dernière fois ses raisonnemens et ses preuves, M. Pierre Aubry conclut définitivement en ces termes : « C’est, dirons-nous, Notre-Dame de Paris qui fut, au XIIIe siècle, le berceau de la musique moderne, et le manuscrit que nous publions ici est un témoin de ces origines. »

Recevons avec joie un aussi glorieux témoignage. Ainsi, non seulement la moelle, ou le dedans, mais le dehors et l’enveloppe même de cet art, tout est de notre pays, tout est de notre cité, tout est de « notre dame. « Vous qui l’ignoriez sans doute, et nous-même, hier à peine mieux informé que vous, nous entrerons désormais avec plus de respect, avec plus d’amour dans notre cathédrale, sachant quels sons, quels accords notre air natal a formés autrefois sous ses voûtes et comment, il y a six ou sept siècles déjà, ses pierres mêmes ont chanté.


CAMILLE BELLAIGUE.