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qu’il y avait une science, faite de règles formelles, pour la conduite de la ligne mélodique, comme nous admettons nous-mêmes qu’il y a une science et des règles pour la construction d’un édifice harmonique. »

Je ne sais pas une conception dont la musique, en se développant, se soit éloignée davantage. L’ordre ou le domaine rythmique est assurément l’un de ceux qui, dans le cours des siècles, se sont le plus étendus. Si rigoureux que nous commencions peut-être à trouver le rythme des grands compositeurs classiques, lorsque nous le comparons à celui des mensuralistes du moyen âge, nous ne pouvons qu’admirer la douceur de son joug et l’indulgence de ses lois. Que dirons-nous de la rythmique contemporaine, où la liberté va dégénérant en licence et finira peut-être dans l’anarchie ! « Au commencement, écrivait Hans de Bulow, au commencement était le rythme. » Si nous en croyons certains d’entre nous, il serait près de sa fin. Celle-ci nous est annoncée par maint docteur en esthétique. L’un d’eux affirmait, il y a peu de temps, que le rythme n’est pas dans la musique un élément essentiel. Il n’y est pas davantage, avait assuré naguère un autre métaphysicien, un élément impérissable. Et cela, si j’ai bonne mémoire, s’appuyait tant bien que mal, plutôt mal, sur des raisons tirées des rapports de la musique avec l’Intelligence infinie. Attendez ! je crois me souvenir, à peu près, et voici la chose. L’Intelligence infinie, échappant à la loi du temps, ne pense pas le monde sous la forme, sous la condition du rythme. Par conséquent, plus la musique se rapprochera de ladite Intelligence, plus elle s’affranchira de ladite condition. Il n’y a qu’un malheur, c’est que notre intelligence à nous, à nous tous, ou du moins presque tous, est finie, et que jusqu’à nouvel ordre, — je veux parler de l’ordre futur, éternel, — elle ne conçoit, ne perçoit rien que selon le temps. Ajoutez encore ceci, que la musique n’existant pas dans l’espace, mais dans le temps seul, le jour où celui-ci viendrait’ à lui manquer, je ne vois pas bien à quoi se réduirait et même en quoi consisterait son existence… Et voilà jusqu’où, sur le chemin de la métaphysique, un peu d’archéologie musicale peut nous mener.

Elle, nous conduirait en des régions moins lointaines et vers de plus simples objets. Autour, comme au dedans de son sujet, il n’est pas une question que M. Pierre Aubry n’aborde et n’éclaire, de toute la lumière au moins, — ne fût-ce qu’une lueur, — qu’elle peut jusqu’à présent recevoir. Car il flotte encore sur ces matières, l’auteur en convient le premier, bien des nuages ou des ombres. Ainsi le chapitre de, la musique instrumentale avant l’époque moderne est parmi les plus