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France, l’enquête compte 9 932 alcooliques. C’est une proportion de 13,60 pour 100 alors que, dix ans auparavant, elle n’était que de 11,29 pour 100. L’augmentation est donc régulière et constante, et le cri d’alarme élevé contre l’alcool est parfaitement légitime.

Il n’est que temps d’aller au secours de ces nombreux individus indigens, encore consciens de leurs tendances à boire, qui demandent à être traités et qui ne peuvent entrer dans un hôpital spécial pour se guérir de leurs penchans morbides. Comme disait Berthelot en 1882, ces malheureux « sont condamnés à boire jusqu’à « ce qu’ils aient présenté les signes positifs d’une lésion mentale qui leur donne droit à la séquestration[1]… » À ces victimes de mauvaises habitudes, il faut donner la possibilité de s’en corriger pendant qu’ils sont encore débutans dans la carrière des buveurs.

Il est indispensable de leur faciliter l’entrée et le séjour prolongé dans des asiles dont l’organisation et le régime seraient fondés sur le principe de l’abstinence alcoolique absolue, et cela non seulement pour eux, mais pour tous ceux qui sont chargés de s’occuper d’eux : médecins, surveillans, infirmiers. En Angleterre, en Amérique, en Suisse et en Allemagne des asiles de ce genre existent depuis longtemps[2]. En France, nous ne connaissons que le service d’alcooliques de Ville-Evrard, absolument insuffisant. La loi nouvelle a grandement raison d’obliger les départemens à créer des asiles pour buveurs encore capables d’être guéris de leur dangereuse habitude.

La loi veut pourvoir aussi à l’instruction et à l’éducation des enfans anormaux, cela, dans des établissemens spécialement organisés pour eux. Jusqu’à présent, les pouvoirs publics ne s’intéressaient en France qu’aux sourds-muets, aux aveugles, aux épileptiques, aux idiots, aux imbéciles gravement atteints. Ils laissaient complètement de côté un nombre considérable d’enfans atteints simplement de débilité ou d’instabilité mentale, mais qui sont plus ou moins réfractaires au régime éducatif ordinaire.

Si beaucoup d’entre ces débiles et instables peuvent profiter d’une instruction et d’une éducation spéciales dans des externats qu’un projet de loi du ministre de l’Instruction publique veut

  1. Berthelot, Annales d’hygiène, 1882, t. VII, p. 422.
  2. P. Sérieux, Les Asiles de buveurs. Annales d’hygiène, 1896.