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se fortifier, se systématiser… L’affection mentale à peine ébauchée a eu tout le temps d’évoluer. Six mois, un an après, elle a pris toutes les allures d’une maladie chronique. C’est à ce moment que, de guerre lasse, on séquestre l’aliéné. Et les mêmes parens sont surpris de constater que leur malade ne se guérit pas à l’asile ! Ce sont eux encore qui entretiennent cette légende que toutes les maladies mentales sont incurables ! Or, neuf fois sur dix, s’il en est ainsi, c’est parce que la famille, mal conseillée d’ailleurs par son médecin traitant, insuffisamment instruit en psychiatrie, a trop tardé à prendre la seule mesure rationnelle qui s’imposait à l’aurore même de la maladie mentale : l’isolement. Sur 226 entrées d’aliénés à l’asile de Blois, pratiquées moins de trois mois après le début de l’affection mentale, le docteur Lasserre comptait déjà en 1872 : 164 guéris, 213 curables et 13 incurables. Le même praticien a constaté, sur 210 malades admis à l’asile un an et plus après le début des troubles mentaux : 24 guéris, 35 curables et 175 incurables !

Des statistiques semblables ont été établies dans beaucoup d’autres asiles français et étrangers. La loi nouvelle a donc infiniment raison d’insister sur la nécessité de l’isolement précoce et d’en faciliter la pratique par l’établissement du quartier d’observation spéciale.


IV

Mais où des réserves s’imposent, parce qu’on semble aller à l’encontre du but principal visé par le projet : favoriser le traitement rapide des aliénés, c’est lorsque l’article 18 fait intervenir au quartier d’observation le tribunal pour transformer le placement provisoire en internement définitif.

Voici cet article très discuté dans les milieux médicaux compétens :

« Aussitôt après les formalités prescrites à l’article 17, le procureur de la République adresse ses réquisitions écrites., avec le rapport médical d’admission, les rapports médicaux de vingt-quatre heures et de quinzaine du médecin de l’établissement et le rapport du médecin commis par le préfet, s’il y a lieu, au président du tribunal de l’arrondissement où l’établissement est situé, Le président statue sur le maintien ou la sortie de la personne placée, Lorsque le président a des doutes, lorsqu’une