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Au bout de quelques mois, les pensionnaires tombaient généralement dans une démence plus ou moins profonde, ou, comme on disait dans ce temps-là, dans l’« idiotisme. »

Et il en était encore ainsi presque partout en France, il y a soixante ou soixante-dix ans !


II

Aussi le monde civilisé a-t-il considéré comme un bienfait immense une loi qui, par son article premier, obligeait chaque département, soit à posséder pour son propre compte un établissement public destiné à recevoir et à soigner les aliénés, soit à traiter, à cet effet, avec un établissement public ou privé, après approbation du ministre de l’Intérieur. De même, a-t-on jugé très sages les précautions édictées par l’article 4, destinées à empêcher la présence illégitime à l’asile des personnes non aliénées.

D’après cet article, les établissemens publics ou privés consacrés à ces malades doivent être visités régulièrement par le préfet et les personnes spécialement déléguées à cet effet par lui ou par le ministre de l’Intérieur : le président du tribunal, le procureur, le juge de paix, le maire de la commune. Ces diverses personnes sont chargées de recevoir les réclamations des pensionnaires et de prendre à leur égard tous renseignemens propres à faire connaître leur position. Si cette disposition légale était appliquée dans toute sa rigueur, le maintien dans un asile d’une personne non aliénée deviendrait bien difficile.

Des faits récens l’ont prouvé suffisamment. Cette loi de 1838 qu’on appelle « barbare » et que des personnes très bien intentionnées, mais ignorantes, intitulent pompeusement : « le dernier vestige des iniquités d’autrefois, » a permis à plus d’un séquestré dans un asile d’aliénés de retrouver assez rapidement sa liberté.

L’histoire la plus typique à cet égard et qui a fait d’ailleurs grand bruit dans toute la presse, est celle d’un homme de lettres qui fut interné à Charenton le 10 novembre 1902. A la suite de scènes de ménage dans lesquelles une jalousie à tendances agressives semble avoir joué un rôle important, cet homme subit un examen, un peu rapide, d’un médecin aliéniste qui le