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On assiste en quelque sorte à la disparition graduelle de la sculpture, remplacée par l’ornement en méplat qui se détache sur un fond obscur. La technique de la tapisserie orientale s’impose aux sculpteurs, aux peintres, aux mosaïstes. Le souci de l’ornementation, l’expression et l’effet à produire sont désormais les préoccupations dominantes de l’artiste, qui leur sacrifie de plus en plus la justesse des proportions et la vérité de la forme.

L’art hétérogène, mais brillant, qui s’est constitué ainsi en Orient du Ier au VIe siècle de l’ère chrétienne, a hérité des vieilles civilisations égyptienne et chaldéenne, mais il est aussi le point de départ de l’art européen du moyen âge. La découverte des monumens de cet art est un des gains les plus considérables qu’ait faits l’archéologie pendant ces dix dernières années, et il n’est peut-être pas inutile d’en passer en revue les différentes provinces.


II

Séleucie, fondée en 306 sur le Tigre et qui eut jusqu’à 600 000 habitans, a dû être un centre d’art considérable. Malheureusement, aucune fouille sérieuse n’est venue jusqu’ici confirmer cette hypothèse, mais un certain nombre de monumens révèlent le rôle qu’eut la Mésopotamie dans la genèse du nouvel art. Le plus important est le palais de Mschatta (Machita), dont les ruines situées dans le pays de Moab, à l’Est de la Mer-Morte, avaient été explorées par Tristram en 1873. Le plan rappelle le type oriental du camp romain : un carré flanqué de quatre tours aux angles et percé d’une seule porte, en face de laquelle s’ouvre à l’autre extrémité une salle terminée par trois absides en trèfle et entourée de chambres latérales voûtées en berceau. Il est intéressant d’y trouver l’arc brisé, qui est employé aussi dans les plus anciens monumens arabes de l’Egypte, comme le nilomètre de Roudah ou la mosquée de Touloun. Mais ce qui fait le principal intérêt de Mschatta, c’est la merveilleuse façade transportée récemment au musée Empereur Frédéric de Berlin. La porte centrale, flanquée de deux tours et les murs qui s’étendent jusqu’aux deux tours d’angle, sont couverts, sur une longueur de quarante-sept mètres et sur une hauteur de cinq mètres, d’un véritable fouillis de sculptures. La technique est déjà celle de la sculpture en méplat, si caractéristique de