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orientaux : on a atteint maintenant l’art oriental dans son pays d’origine. Il est impossible désormais d’étudier l’art du moyen âge sans tenir compte de ces découvertes ; elles ont renversé des opinions qui étaient en voie de devenir traditionnelles ; elles ont permis de donner du développement de l’art européen une explication nouvelle, dont M. Strzygowski a tracé maintes fois les grandes lignes dans ses ouvrages, et qui n’a peut-être pas été jusqu’ici en France l’objet d’une attention suffisante.


I

C’est dans l’Orient hellénistique, à l’époque des successeurs d’Alexandre, qu’il faut chercher les origines de l’art et, d’une manière générale, de toute la culture de l’Europe au moyen âge. Les capitales fondées par les Diadoques, Séleucie, Antioche, Pergame, Alexandrie, furent essentiellement des villes helléniques ; mais, dès l’origine, les artistes qui les couvrirent d’édifices et y fondèrent des industries décoratives, firent de nombreux emprunts à l’art indigène dont ils avaient les monumens sous les yeux. Sans rien perdre encore de son goût pour la noblesse et l’harmonie, le Grec apprit à traiter le colossal, s’attacha davantage au pittoresque, à l’expression individuelle, rechercha la richesse et la complication du décor. Des monumens comme l’autel de Pergame, le sarcophage d’Alexandre, la statue du Nil au Vatican, représentent ce premier art hellénistique, encore tout imprégné de la noblesse attique, mais déjà différent par son esprit des œuvres classiques. Il semble que les Grecs aient été en quelque sorte éblouis par cet Orient prestigieux dont les constructions grandioses étaient encore debout ; le syncrétisme, qui fut si fécond dans les domaines intellectuels et religieux, allait transformer aussi les arts. Ainsi commença à être accompli, du moins en apparence, le projet que les historiens prêtent à Alexandre d’établir une fusion de la race hellénique avec l’Orient.

Mais entre des civilisations aussi différentes que celles de la Grèce et de l’Orient un accord était impossible. De leur contact ne pouvait naître un équilibre qui fît à chacune d’elles sa part, mais l’une devait absorber l’autre. La culture orientale sous sa forme chaldéenne, iranienne ou égyptienne, avec ses traditions qui remontaient à une antiquité fabuleuse, sa haine de la