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directement ou indirectement, contre toute emprise de leurs terres pour le développement de la colonisation officielle. Il n’est pas bien difficile de leur donner satisfaction, et il n’est pas au-dessus de nos forces, en servant bien leurs intérêts matériels et moraux, de ne plus les compter comme d’irréductibles ennemis. Le bien-être rend pacifique : augmentons le leur. C’est un effort auquel nous ne pouvons nous dérober, alors même qu’il nous coûterait quelque argent.

En dehors d’ailleurs des considérations tirées du bonheur à assurer aux indigènes, cette politique s’impose dans l’intérêt des colons eux-mêmes, de la prospérité générale de la colonie et de la sécurité de notre Empire africain.

La prospérité de la colonie européenne est intimement liée au bien-être et au développement intellectuel de la race indigène. Entre les populations indigènes d’une colonie, les colons et la nation directrice, il y a concordance d’intérêts. Plus ces populations sont prospères, plus la nation directrice y trouve de richesses à échanger et de ressources pour l’organisation des services publics. En sorte que ce n’est pas seulement humain, c’est encore l’habileté suprême que de développer parmi elles le bien-être. Le simple bon sens, à défaut des leçons du passé, est là qui doit suffire à nous convaincre. En effet, privé de ses biens, l’indigène réduit à la misère ne peut amasser de capital : ses facultés d’achat tombent au minimum ; il limite sa consommation et l’Européen ne trouve pas chez lui à qui vendre ses produits ; le commerce local ne peut se développer d’une manière normale et continue. Même au point de vue de la valeur vénale du sol détenu par le colon, la misère de l’indigène produit des résultats non moins fâcheux. Dans les cas nombreux de l’existence où l’Européen se trouve forcé de réaliser tout ou partie de ses propriétés immobilières, il ne trouve pas chez l’indigène l’élément qui puisse lui fournir la contre-partie ; il ne peut morceler sa propriété en parcelles qu’achèteraient les natifs ; et ne peut vendre ou vend mal. La misère de l’indigène cause non moins de préjudices à la métropole qu’au colon, car les finances de la mère patrie sont non seulement privées des ressources que lui procureraient un mouvement actif des échanges, une population blanche riche et une population native aisée, mais sont encore obligées de subvenir aux dépenses d’utilité publique que la colonie est le plus souvent hors d’état de payer.