Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/650

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusqu’à nos conceptions, il ne peut faire autrement que de s’accentuer de jour en jour parmi les jeunes générations musulmanes. Jusqu’où ira-t-il ? Très loin sans aucun doute. Les musulmans instruits prévoient toutes les conséquences du mouvement qui les entraîne, les appellent de leurs vœux et y poussent de toutes leurs forces. Se rendant compte de la situation internationale actuelle, ils sentent que le rôle politique de l’Islam est fini, et ils se résignent à cet effacement comme inévitable, mais en même temps ils entendent apporter leur quote-part aux efforts que nécessitent les conquêtes pacifiques des arts, des sciences et de l’industrie.

Leur programme pour l’avenir est très net. Soit comme récompense des progrès déjà accomplis, soit comme moyen d’en préparer d’autres, les musulmans transformés demandent pour eux une place dans les corps élus de la colonie, c’est-à-dire des représentans « avec voix consultative » dans les conseils municipaux, les conseils généraux et le conseil supérieur, une participation à l’élection des députés et des sénateurs, et une naturalisation à deux degrés, le premier degré rendant électeurs, mais non éligibles les indigènes qui voudraient conserver leur statut personnel, et le deuxième conférant tous les droits du citoyen français à ceux qui y renonceraient. Ces propositions peuvent sans doute être discutées ; elles n’en laissent pas moins entrevoir la possibilité de doubler la production algérienne par la diffusion croissante des procédés européens parmi les indigènes et grâce à leur bonne volonté, et permettent d’espérer, sans trop d’illusions, que le jour viendra où nos sujets musulmans pourront être autre chose que des mineurs dans la famille française.

On peut d’ailleurs considérer qu’un progrès sérieux vient d’être fait dans la voie de réalisation de ce programme. Le décret du 23 août 1898, en instituant les délégations financières algériennes, a fait une place dans ces assemblées à l’élément indigène. Un sait que ces délégations sont composées de trois groupes : les colons, les contribuables français autres que les colons, enfin les indigènes ; d’où trois délégations financières distinctes. Chacun des deux premiers groupes est composé de 24 membres élus au scrutin individuel, à raison de huit par département. Quant à la délégation des indigènes musulmans, elle comprend 21 membres, savoir : 9 délégués représentant, à