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20 848 hectares et les indigènes 13618, mais les premiers paient leurs acquisitions 2 450 000, tandis que les seconds les paient 2 500 000 francs. A ne considérer que la valeur des transactions, les indigènes ont, pendant ces six dernières années, acheté aux Européens plus qu’ils ne leur ont vendu. Il est curieux d’étudier comment se produit contrée par contrée ce fait économique significatif.

Dans le département d’Alger, l’équilibre demeure ou à peu près, dans la Mitidja, le Sahel, le Dahra et le Sud. Il est rompu au profit des indigènes à Médéah, Aumale, dans le Chéliff, à Miliana et à Tizi-Ouzou. Dans le département d’Oran, l’équilibre se maintient dans quelques circonscriptions presque totalement colonisées et dans une partie du Chéliff. Ailleurs, ils lâchent pied. A Tiaret et à Saïda, ils ont vendu vingt fois plus qu’ils n’ont acheté. Dans le département de Constantine, à Jemmapes et à Kerata, les Européens prennent de l’avance ; l’équilibre se maintient dans la Soummam, à la Galle, Souk-Ahras, dans le Sud. Il est rompu partout ailleurs, à Bordj-bou-Arréridj, Guelma et Batna.

La région orientale est surtout celle où il y a une reprise plus marquée des concessions par les indigènes. A partir de la Kabylie, le mouvement se dessine ; à Bougie, actuellement, les indigènes ont racheté un cinquième des concessions, un tiers à Oued-Amizour et à Akbou, plus de la moitié à la Medjana et une situation analogue se constate dans l’arrondissement central, à Philippeville et à Batna. C’est dans la Grande Kabylie que se trouve le centre du mouvement d’achat de terres européennes par les indigènes et de là ce mouvement gagne les plateaux constantinois et les vallées adjacentes jusqu’à l’Aurès. Il est situé dans un pays où la propriété a conservé le caractère melk ou privé et où ce caractère a atteint son apogée par l’infini morcellement des terres. En revanche, le mouvement est moindre, peu sensible, ou même nul dans les contrées à terres arch ou collectives. Cette constatation montre que, chez les possesseurs de terres arch, il y a plutôt indifférence et absence de ressort, tandis que l’initiative, la prévoyance, l’amour du travail, le désir du bien-être sont le lot des propriétaires de terres melk. Cela ne doit pas être pour surprendre. Le propriétaire melk en Algérie est très souvent un kabyle cultivateur, qui est habitué à l’effort individuel et à ne compter que sur lui. La constitution de la propriété individuelle n’a pas changé sa manière de vie ; il