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leur activité peut s’exercer seulement aujourd’hui, c’est-à-dire dans la culture de la terre, la vitalité des indigènes s’affirme encore. Leur race se relève par le travail. Ils en sont arrivés à gagner soixante-dix millions de salaires environ, et compensent ainsi, dans une certaine mesure, la privation de ressources qui résultent pour eux de la moindre quantité de terres cultivées à leur disposition. Sur leurs terres restreintes, ils font preuve d’initiative et d’énergie. La société indigène est restée avant tout une société agricole, productrice de céréales et éleveuse de bétail ; elle utilise soit en cultures annuelles, soit de plus en plus sur jachère biennale, à peu près tout ce qui est défriché. Sans doute, les surfaces cultivées n’ont guère augmenté et on conquiert peu de terres nouvelles parce que le défrichement est au-dessus des moyens matériels de l’indigène. Seulement, ces terres, mieux travaillées, rendent sensiblement davantage et plus régulièrement. Les rendemens indigènes en céréales ont passé de 9 807 756 quintaux en 1870, à 15 021 851 quintaux en 1904, soit une hausse de plus de 50 pour 100. La situation est analogue en ce qui concerne l’élevage. Plus significative encore dans cet ordre d’idées, est la part que prend l’élément kabyle, dans les transactions foncières. Il n’est pas d’économies qu’il ne fasse pour arriver à récupérer partie des terrains dont on le dépouille. Si la colonisation officielle l’exproprie de ses terres et si la colonisation privée lui en achète, lui aussi rachète des terres, et l’on peut dire que l’obstination mise par l’administration à appliquer le système du refoulement n’a d’égale que l’âpreté et la continuité des efforts de la population indigène à racheter à leur tour à beaux deniers comptans les terres dont ils ont été dépossédés. La lutte pour la possession de la terre est poursuivie par eux avec des chances qui paraissent tourner en ces derniers temps en leur faveur. De 1877 à 1888, les Européens achetaient en moyenne et par an 28 721 hectares de terres indigènes pour 2 772 104 francs et vendaient aux Arabes et aux Kabyles 3 373 hectares pour 749 573 francs. Ceux-ci achetaient alors un peu moins du neuvième de ce qu’ils vendaient et versaient un peu moins du quart de ce qu’ils touchaient. De 1889 à 1898, les Européens n’achètent plus que 21 911 hectares par an et pour 232 3005 francs ; tandis que les indigènes achètent 9 090 hectares pour 1 109 259 francs. Enfin, dans la dernière période de 1898 à 1904, les Européens achètent annuellement