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diverses, et elle les transfère, les installe ailleurs, les « recase » suivant l’expression adoptée. Ce n’est plus même le système du cantonnement, c’est celui du déracinement qu’on voudrait mettre en pratique. Que les indigènes soient nombreux sur un terrain fort restreint, que leurs propriétés soient exiguës, qu’ils n’aient pas de terres ailleurs, cela est secondaire. On prendra possession de leurs terrains et on les « recasera » sur les terres à proximité, en surveillant leur déplacement et leur manière de cultiver. Et s’il se forme un prolétariat de déracinés, on n’hésitera pas à les fixer avec baux à long terme sur des communaux restans ou au besoin achetés. En somme, c’est le rétablissement, sous une forme atténuée, du servage. C’est en s’aidant de pratiques de ce genre que, de 1891 à 1905, on a continué à évincer les indigènes dans le département d’Alger d’une partie de la Kabylie et du Chéliff ; dans le département d’Oran, d’une partie du plateau de Bel-Abbès, de la vallée de la Mékerra, de la vallée de la Mine ; dans le département de Constantine, d’une partie du plateau constantinois et sétifien, et du grand massif côtier de l’Est dans la direction de la Calle ; que, non content de ces emprises, on les a recherchés jusque sur les hauts plateaux, autour de Batna, derrière Tébessa, sur les coteaux qui dominent le Sersou et jusque dans le Grand Atlas, en plein Sahara, à Méchéria, à Aïn-Sefra, empiétant ainsi dans les régions purement pastorales, vers le Djebel Amour, sur le versant méridional de l’Atlas central. Que cette pratique se poursuive et se généralise, et c’est le système du « refoulement » qu’on appliquera aux indigènes. Dans nos procédés avec eux, nous aurons reculé de plus de cinquante ans en arrière ! Le seul moyen de couper court aux velléités et aux pratiques de ce genre, c’est d’abroger la partie de l’article de la loi de 1851 qui vise l’expropriation pour la création de tout village officiel.

Il faudrait aussi soustraire les indigènes aux spéculations spoliatrices dont ils sont l’objet de la part de ceux qui, leur prêtant des sommes minimes, s’introduisent soit comme acquéreurs, soit comme créanciers d’un des ayans droit dans la communauté indigène, s’arment, pour réclamer la licitation, de l’article 827 du code civil, font racheter à bon compte les immeubles mis en vente et dépossèdent des groupes entiers. Notre code ruine l’Arabe, à ce point qu’un écrivain algérien a pu dire, non sans quelque raison, que, si l’on continue à étendre la