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dans une agitation extrême. « Si la candidature Hohenzollern, lui dit-il, est un prétexte de guerre préparé par Bismarck et souhaité par l’Empereur, il n’y a rien à faire ; si, comme c’est possible, elle est surtout un acte d’ambition de la famille Hohenzollern, peut-être pourrait-on obtenir qu’elle n’y persistât point. Vous avez des relations avec cette famille ; consentirez-vous à vous charger d’une démarche auprès d’elle afin d’obtenir la renonciation qui sauverait tout[1] ? » Strat demanda à réfléchir : il n’avait pas le temps de s’adresser à son gouvernement, et il craignait d’en gêner les desseins. — « Enfin, dit Olozaga, vous n’acceptez pas, mais vous ne refusez pas non plus. Je vais aller en causer avec l’Empereur. » Il était, en effet, trop avisé pour se risquer à la légère. Il alla donc demander à l’Empereur s’il voulait ou s’il ne voulait pas la guerre : l’affaire Hohenzollern n’était-elle qu’une occasion de rétablir l’équilibre détruit en 1866 et ne le contrarierait-il point par une intervention inopportune ? Si l’Empereur désirait la paix, il croyait pouvoir l’assurer en écartant la candidature. » — Et il lui expliqua comment. L’Empereur répondit sans hésiter qu’il désirait la paix : il n’avait aucun intérêt à la guerre, et n’en cherchait pas le prétexte. Sa seule préoccupation était qu’aucune atteinte ne fût portée à l’intérêt de la France. Cette satisfaction assurée, il ne demanderait pas davantage. Quoique ne croyant pas au succès de la démarche de Strat, il serait content qu’elle fût faite, pourvu que son nom ne s’y trouvât pas mêlé.

Olozaga rappela aussitôt Strat et lui rapporta cette conversation. Comme néanmoins celui-ci hésitait encore, il lui proposa de le conduire chez l’Empereur. Strat y consentit, à la condition que personne ne serait mis dans la confidence de cette entrevue, dont la connaissance divulguée rendrait impossible le succès de la mission qu’on voulait lui confier. Il fut reçu mystérieusement à Saint-Cloud, à deux heures du matin. L’Empereur lui dit combien il désirait qu’il consentît à se charger de la démarche dont Olozaga l’avait entretenu, et renouvela l’expression de ses sentimens pacifiques, de manière que Strat ne douta plus de leur sincérité. Alors Strat dit : « Sire, mon intervention ne sera efficace que si j’ai à offrir quelque chose en retour du sacrifice que je demanderai. Or, il y a ici un groupe de Roumains que M. de

  1. Tous ces détails et ceux qui vont suivre m’ont été donné par Strat et par Olozaga.