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de la paix, non des ennemis systématiques du gouvernement, ils auraient suivi le conseil que j’avais donné à Cochery. Un de leurs orateurs se serait associé à mes explications et eût repoussé non moins fermement que nous la candidature prussienne ; il aurait relevé, souligné notre espérance d’un dénouement pacifique : ainsi eût été créée autour de nous une unanimité patriotique qui eût intimidé nos adversaires, accru notre force d’action et contribué efficacement à préserver les peuples des calamités de la guerre.

Les Prussiens ont trouvé à Saint-Cloud et ont publié le télégramme confidentiel que j’adressai à l’Empereur à l’issue de la séance. Il démontre la sincérité des sentimens que je venais d’exprimer à la tribune : « La déclaration a été reçue par la Chambre avec émotion et immense applaudissement. Le mouvement, au premier moment, a même dépassé le but. On eût dit que c’était une déclaration de guerre. J’ai profité d’une intervention de Crémieux pour rétablir la situation. Je n’ai pas accepté qu’on nous représentât comme préméditant la guerre ; nous ne voulons que la paix avec honneur. » L’Empereur tenait de son côté un langage semblable. L’amiral Jurien de la Gravière, son aide de camp, étant venu lui demander un commandement, il répondit : « Nous n’en sommes pas encore là ; la Prusse mettra les pouces. » Gramont s’efforçait, soit par ses conversations, soit par ses dépêches, de ne laisser aucun doute dans l’esprit des Cabinets sur nos véritables visées, et il y réussit. Granville en convenait : « Le gouvernement de la Reine, disait-il, est entièrement persuadé que le gouvernement impérial ne désire pas la guerre et ne parle de recourir à cette extrémité qu’avec l’idée d’empêcher la réalisation d’une combinaison qu’il considère comme nuisible à l’honneur et aux intérêts de la France[1]. »


VIII

Notre déclaration n’avait pas été inspirée par le désir de rendre la rupture inévitable. Elle nous avait paru la dernière chance de sauvegarder la paix par l’ébranlement qu’elle causerait dans les volontés indécises des puissances et par les réflexions salutaires qu’elle inspirerait aux meneurs de l’affaire. Aussi sa

  1. Granville à Lyons, 10 décembre.