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regardé comme l’inventeur de cette candidature imprévue ; on pensait le général Prim acheté à beaux deniers comptans par le ministre prussien, qui puisait pour toutes les transactions de colle nature dans les fonds provenant de la fortune séquestrée du roi de Hanovre. Même dans la Confédération du Nord, le ministre de Saxe jugeait notre grief juste. Il n’hésita pas à dire que le fait en lui-même, et le mystère dont on l’avait entouré, étaient de nature à provoquer, de notre part, une juste susceptibilité, et que la France avait le droit d’en être mécontente ; la demande de la France était, en effet, conforme aux précédens du droit public européen ; bien qu’à ses yeux, l’avènement Hohenzollern au trône d’Espagne ne lui eût pas paru devoir créer un danger quelconque pour les intérêts français, il n’en reconnaissait pas moins que c’était à nous d’en décider et d’apprécier l’importance de ce fait éventuel. Il ajoutait qu’en invoquant le bénéfice d’une doctrine déjà acceptée et sanctionnée plusieurs fois par les grandes puissances européennes, le gouvernement de l’Empereur justifiait la résistance au projet du gouvernement espagnol, et donnait la preuve de son désir de conciliation[1].


IV

L’agression étant manifeste, nous avions le droit, sans mot dire, de rappeler nos réserves, de les lancer à la frontière, et, quand elles y seraient massées, de dénoncer, par un parlementaire envoyé aux avant-postes, le commencement des hostilités. Nous donnâmes une grande preuve de modération en n’usant pas de notre droit incontestable de représailles immédiates. Nous fîmes plus : au lieu de discuter la conduite à suivre au cas où le Hohenzollern deviendrait roi, nous essayâmes d’empêcher qu’il ne le devînt. Nous résolûmes de déjouer le guet-apens et d’éviter la guerre par des négociations diplomatiques. Nous trouvâmes beaucoup d’incrédulité dans les hommes expérimentés à qui nous confiâmes notre dessein. L’un d’eux, auquel je demandais de m’aider de ses lumières, me dit : « Je ne puis qu’approuver votre pensée humaine, car je déteste la guerre autant que vous, mais je doute que vous réussissiez. Ne vous faites pas d’illusion ! Le secret gardé prouve que vous êtes en présence d’une trame

  1. De Châteaurenard, 9-10 juillet.