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et le concours de l’Italie, avaient faite à Berlin pour demander, au gouvernement allemand s’il ne lui conviendrait pas de faire avec elles une démarche amicale à Vienne et à Belgrade et d’y conseiller la modération. À Belgrade, oui, avait répondu le gouvernement allemand, mais à Vienne, non. L’opinion du gouvernement impérial, — et pouvait-elle être indifférente ? — était qu’on avait complètement tort à Belgrade et pleinement raison à Vienne, et que dès lors, c’était seulement dans la capitale de la Serbie qu’il convenait d’agir. Si la France, l’Angleterre et l’Italie étaient de cet avis, l’Allemagne se joindrait volontiers à elles pour apporter à Belgrade des conseils de sagesse ; mais c’est tout ce qu’elle pouvait faire, et il ne fallait pas compter sur elle si les trois puissances croyaient avoir des conseils à donner aussi au gouvernement austro-hongrois. Les trois puissances auraient pu être découragées par cette réponse, et elles l’auraient été si elles avaient obéi à des considérations d’intérêt personnel ; mais elles s’étaient proposé un but beaucoup plus élevé ; elles travaillaient seulement au maintien de la paix. Aussi se sont-elles montrées disposées à se tourner du côté de Belgrade ; mais, cette fois, elles avaient besoin de l’adhésion formelle et du concours du gouvernement russe. Quelles dispositions devaient-elles trouver à Saint-Pétersbourg ? Qu’on nous permette de nous citer nous-même. Après avoir envisagé l’hypothèse où la Russie se refuserait à une démarche commune, nous disions que, dans ce cas, ce serait à elle seule qu’ « appartiendrait le soin de faire entendre à Belgrade la voix de la prudence et de la raison, » et nous ajoutions qu’ « en sortant de sa bouche cette voix aurait d’ailleurs une autorité qu’aucun concours ne pourrait sensiblement augmenter. » Il semble qu’en écrivant ces lignes, nous ayons prévu ce qui allait se passer. La Russie, en effet, a jugé inutile de se joindre à une manifestation collective ; elle a pensé, puisqu’on se tournait vers elle, que son intervention ne serait pas moins efficace quand même elle serait isolée, et elle est intervenue à Belgrade avec l’influence que lui donne tout son passé. Peut-être était-il facile de prévoir qu’elle ne voudrait pas partager avec d’autres l’espèce de patronage qu’elle exerce sur les populations slaves des Balkans ? Elle ne s’est donc consultée avec personne, et elle a agi.

Les conseils qu’elle a donnés à Belgrade ont été pleins de bon sens. Il lui a fallu quelque courage d’esprit pour les énoncer, car elle risquait de provoquer une grande déception et, en même temps, un vif mécontentement à Belgrade ; mais elle s’est inspirée par-dessus