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la glorifiait aux yeux du pays ; celui de M. Aynard la condamnait ; aussi l’accueil fait à l’un et à l’autre a-t-il été bien différent. Sans doute, M. Aynard a été applaudi par tous les hommes de bon sens, par ceux qui connaissent l’histoire, par ceux qui ont étudié, à travers la complexité des choses, les répercussions mystérieuses mais sûres de tous les actes accomplis dans le domaine économique ou fiscal. Malheureusement ce n’est là qu’une minorité. M. Caillaux a eu pour lui la majorité. Cette majorité n’était pas sans inquiétudes ; elle avait le sentiment plus ou moins vague de ce que son œuvre enfermait d’incertain et de périlleux ; elle éprouvait le besoin d’être rassurée. Combien rassurant a été M. Caillaux ! Aussi l’a-t-on applaudi avec enthousiasme. Enfin on a voté l’affichage de son discours, ce qui est assurément une des manifestations les plus vaines auxquelles des Chambres puissent se livrer, mais une de celles qui flattent le plus le goût qu’elles ont de se regarder elles-mêmes dans un discours comme dans un miroir, et elles accrochent ce miroir à tous les murs. Mais que reste-t-il, au bout de quelques semaines, de tant de discours que nous avons vu afficher ?

Il restera pourtant quelque chose de celui de M. Caillaux : il en restera le souvenir d’une réforme mal faite. Tous les partis en sentaient la nécessité et l’avaient préparée depuis longtemps. Malheureusement, les socialistes eux aussi en avaient préparé une, et parmi tant de projets entre lesquels il aurait pu choisir, M. Caillaux a choisi le leur. Or quel est le but des socialistes ? Ils ne font aucune difficulté à l’avouer : c’est de connaître la fortune privée, le revenu privé de chaque citoyen. Après cela, ils verront ce qu’ils auront à faire. M. Caillaux leur a donné l’instrument d’inquisition qu’ils cherchaient. Les exécutions viendront ensuite.


La situation en Orient continue de présenter les mêmes symptômes inquiétans et déconcertans. Un jour les choses vont mieux, le lendemain, elles vont plus mal, comme si un génie malicieux avait pris à tâche de soumettre l’Europe à un régime alternatif d’espérance et de déception, de douche chaude et de douche froide, de manière à la préparer à tout. L’incertitude dans laquelle nous vivons ne semble pas près de se dissiper. Parfois on croit apercevoir comme une vague lueur à l’extrémité de l’obscur couloir où on se trouve engagé. Puis elle vacille et s’éteint.

Nous avons rendu compte dans notre dernière chronique de la démarche que la France et l’Angleterre, avec l’approbation de la Russie